Des femmes en quête de liberté fuient leur quotidien mortifère dans Le Caméléon, une pièce audacieuse signée Elsa Agnès et mise en scène par Anne-Lise Heimburger.
C’est la première fois que l’auteure et la metteuse en scène collaborent sur la création d’un spectacle. « Nous avons déjà partagé la scène en tant que comédiennes, mais travailler ensemble de cette façon, c’est vraiment une grande première », sourit Anne-Lise Heimburger, artiste associée à La Comédie de Reims. Elsa Agnès, en plus de poser sa plume sur cette histoire, interprète également les innombrables personnages qu’elle imagine sur le papier, « ces femmes, malheureuses, issues de mondes invisibilisés et voulant aller ailleurs. » Cette fresque initiatique est divisée en trois parties, « trois épopées commençant avec une figure féminine qui se glisse, peu à peu, dans différentes peaux. » Au sens littéral, puisqu’à chaque changement de personnage, l’actrice abandonne un costume pour en révéler un autre. Pourtant, chaque individu se trouve relié aux autres par l’accomplissement d’un crime, un acte abominable « explosant les contours qui les déterminaient jusqu’alors pour interroger le monde, quitte à ce que cela passe par la destruction. » À travers des portraits d’anti-héroïnes implacables, brutales et insatisfaites, le duo d’artistes se demande « si l’on peut créer quelque chose de neuf, sans avoir à franchir les bornes ».
Éclaboussées de nuances écarlates au cours de la première partie, les planches baignent dans un jeu de lumières pictural, créant « quelque chose qui tient du cinéma », explique Anne-Lise Heimburger. « Nous nous appuyons sur la dimension scénique pour montrer ce que ces femmes ont d’unique. Cela passe aussi par la création de trois cabines en tissu, qui apparaissent à chaque nouvel acte de la pièce », abritant les costumes portés par Elsa Agnès. La metteuse en scène trouve ainsi la fin de la première partie particulièrement belle : « Une rouge descend sur la comédienne, tandis qu’elle est allongée sur le sol, environnée de ce même éclat. L’objet l’avale, la recouvre d’un sépulcre, avant qu’elle ne renaisse. » Plus tard, alors qu’un nouveau meurtre se produit, Elsa arrache le tissu d’une minuscule cabine, jaune cette fois, sur laquelle elle « scotche son ancienne peau, avant de dévoiler une combinaison bleue qui lui recouvre tout le corps. » Fredonnant les paroles du très rock She’s lost control, morceau signé par le groupe britannique Joy Division, Elsa Agnès se laisse emporter dans une danse macabre : « And walked upon the edge of no escape and laughed ‘‘I’ve lost control’’ » (« Et marcha jusqu’au point de non-retour en s’esclaffant ‘‘J’ai perdu le contrôle’’ »).
À La Comédie de Reims du 14 au 21 mars (à partir de 15 ans)
lacomediedereims.fr