Comme tu me veux mis en scène par Stéphane Braunschweig

La pièce de théâtre "Comme tu me veux" de Luigi Pirandello mise en scène de Stéphane Braunschweig a l'Odeon le 31 septembre 2021 © Juliette Parisot / Hans Lucas

Quatrième pièce de Pirandello montée par Stéphane Braunschweig, Comme tu me veux prend pour décors le Berlin d’après la Grande Guerre et l’Italie fasciste. Entre drame policier et fable existentielle bruissent les ruines d’un nouveau désastre à venir.

Après Vêtir ceux qui sont nus (2006), Six personnages en quête d’auteur (2012) et Les Géants de la montagne (2015), l’ancien directeur du Théâtre national de Strasbourg, aujourd’hui à la tête de l’Odéon, renoue avec Luigi Pirandello. L’auteur italien traverse son époque, une Europe au bord du naufrage, dix ans après la fin de la Première Guerre mondiale. L’intrigue débute dans un Berlin en pleine débauche, lorsqu’un photographe italien croit reconnaître en l’Inconnue la femme d’un de ses amis, disparue une décennie plus tôt durant le saccage du Nord de l’Italie par les troupes autrichiennes. Mais est-ce bien elle, l’amante de l’écrivain Salter, qui mène aujourd’hui une vie de débauche, dansant dans un cabaret ? Direction ensuite l’Italie où elle accepte de revenir, sans lever le voile sur son identité. Est-ce réellement Lucia ou n’est-elle qu’une imposteure qui tient le rôle que tous attendent ? Reconnaît-elle Bruno, son époux, qui n’a cessé de la chercher depuis son retour dans sa villa vide ou comble-t-elle une amnésie posttraumatique par opportunisme ? L’ambiguïté est savamment orchestrée par Pirandello.

Comme tu me veux de Luigi Pirandello mise en scène de Stephane Braunschweig a l'Odeon le 31 septembre 2021 © Juliette Parisot / Hans Lucas
Comme tu me veux de Luigi Pirandello mise en scène de Stephane Braunschweig a l’Odéon le 31 septembre 2021 © Juliette Parisot / Hans Lucas

Comme dans Chacun sa vérité, les énigmes entourant la recherche de certitudes sont tout bonnement impossibles à résoudre. Le personnage central de la pièce ne demande qu’à être celle que son mari veut – figure de l’actrice s’il en est. Pour cela, peu importe sa réelle identité, tant que tout le monde y croit et que la vie reprend ses droits, quitte à se bercer d’illusions. Dans un dédoublement de jeu de doubles, un autre personnage pourrait être la disparue, La Folle, totalement amnésique. Pour Jean-Michel Gardair*, elles sont « deux figures, l’une consciente, l’autre inconsciente, de la dépersonnalisation qu’opère la folie : si la Démente a été arrachée à la clinique d’un célèbre psychiatre – Freud ? – de Vienne, l’Inconnue règne sur l’asile de fous qu’est devenu le Berlin de l’après-guerre. Et l’enjeu de la pièce n’est pas de savoir qui de la Démente ou de l’Inconnue est la vraie Lucia (énigme que le dénouement laisse en suspens), mais quel homme sera capable d’arracher l’Inconnue à l’anonymat (qu’elle vit comme l’expérience littérale de son propre néant) auquel l’a condamnée la guerre. » Folie et art forment deux portes de sortie face à l’impalpable réel et à une vérité dénuée de signification. Après Soudain l’été dernier de Tennessee Williams et Nous pour un moment d’Arne Lygre, Braunschweig continue son exploration des traumatismes de la violence, de l’oubli et des simulacres permettant la survie, la réinvention de soi. S’il le faut, emprunter l’identité d’une autre et renvoyer l’image projetée sur soi. « Ce qu’on est, c’est ce qu’on fait de soi. » And nothing else matters…

Stéphane Braunschweig monte Comme tu me veux

Au Théâtre national de Strasbourg du 27 février au 4 mars
tns.fr

Nouvelle traduction de Stéphane Braunschweig, publiée aux Solitaires Intempestifs (13 €)
solitairesintempestifs.com

*Pirandello : fantasmes et logique du double, Éditions Larousse, 1972

vous pourriez aussi aimer