Les Moments doux au Théâtre de la Manufacture
Avec la compagnie Babel, Élise Chatauret et Thomas Pondevie explorent le rapport à la violence dans Les Moments doux.
Tout remonte à un lundi de 2015, avec l’affaire des chemises arrachées d’Air France : deux dirigeants de l’entreprise fuient sous les assauts de leurs salariés, torses à découvert, vêtements déchirés. Alors que la fureur sociale rencontre la fureur physique, il n’en faut pas plus pour que les auteurs Élise Chatauret et Thomas Pondevie s’interrogent : qu’est-ce que la violence ? Peut-elle être légitime ? Deux questions parmi d’autres les amenant à étudier, à la manière d’un laboratoire des relations humaines, les origines de ce phénomène. « Définir ce mot n’est pas si facile », considère la metteuse en scène. « Son sens évolue en fonction des événements et de notre perception, c’est pourquoi, à travers notre travail, nous cherchons davantage à comprendre qu’à accuser. » Sur les planches, six comédiens de la compagnie Babel interprètent à tour de rôle un élève, un juge, un chef d’entreprise, ou encore une institutrice. L’espace scénique se modifie au fil de la pièce, présentant une salle de classe, puis un open space, avant de se transformer en salle d’audience et, enfin, en salon d’appartement. Le groupe d’acteurs va tenter de comprendre les rapports de domination dans différentes situations, se glissant dans tous les profils de la société et jouant avec les châssis vitrés du mobilier pour reconfigurer la scène à l’infini (ou presque).
« Pour nous, le théâtre est un lieu de représentation qui doit raconter le monde », explique Élise Chatauret. « Nous essayons de déchiffrer un sujet via des paroles d’experts, de sociologues. L’interaction avec les personnes apporte une réponse sensible, humaine et artistique, bien que nous regardions toutes ces recherches avec subjectivité. » Les Moments doux s’attache par conséquent à différentes formes de violence, « pas seulement physique, mais également silencieuse, celle des classes aisées sur les classes pauvres ». Partir du prisme de l’enfance est vite apparu comme le fil rouge à dérouler, permettant d’aborder la question avec humour et une certaine forme de liberté. « La violence semble inscrite dans l’humain dès son plus jeune âge », poursuit la co-fondatrice de la compagnie. « C’est une chose complexe, car s’il est toujours souhaitable de trouver une alternative, il y a des fois où ce n’est pas possible et où la légitime défense entre en jeu. » Le passage de la jeunesse à la sphère professionnelle se retrouve quant à lui développé dans l’open space. Des scènes opposant directeurs et employés permettent « d’évaluer combien notre société est imbibée de cette idée de performance, et comment cela agit sur les individus. » L’analyse d’autres thèmes d’actualité fuse déjà dans les esprits de la compagnie, notamment un projet autour du fonctionnement de l’Assemblée nationale et une discussion ouverte sur la sexualité.
Au Théâtre de la Manufacture (Nancy) du 1er au 4 mars
theatre-manufacture.fr
> Répétition ouverte (23/02, 19h)