La guerre est déclarée
Cheick Tidian Seck, alias Black Buddha, homme orchestre et chanteur malien, livre bataille pour la paix. Rencontre avec un musicien révolté, un soldat la fleur au fusil.
Depuis quand êtes-vous esclave de la musique ?
J’en ai pris conscience à l’âge de six ans… En décembre, j’en aurai 60 ! Selon les dires de mes aînés, petit, je chantais tout le temps.
Votre voie était toute tracée…
Non, il a fallu choisir car j’avais un don pour le dessin aussi. Je suis rentré à l’Institut national des Arts de Bamako, au grand dam de mes parents qui auraient préféré que j’embrasse une carrière d’avocat ou d’enseignant, mais je me suis dirigé vers la musique, car j’avais des bases plus solides.
Vous avez été clavier au sein du Super Rail Band de Bamako, puis avez joué avec des gens aussi différents que Fela, Jimmy Cliff, Nina Simone, Amadou & Mariam…
Et Ornette Coleman, Living Colour, Santana, Damon Albarn…
Ces rencontres vous ont-elles aidé à briser les frontières musicales ?
Ma vie est riche de rencontres qui m’ont permis de grandir et de m’assumer au travers de nombreux styles. Je suis pour la fusion totale, tant qu’elle est bien pensée.
Vous êtes contre les étiquettes, surtout celle de “musique du monde”…
Hors de question qu’on me mette dans la case world music. C’est discriminatoire. Parce qu’on ne sait pas définir notre musique – l’oreille occidentale n’étant pas habituée à nos sonorités –, on doit la placer dans un même bac ? Je ne suis pas un tiers-mondiste qui fait de la tiers-musique !
Pourquoi avoir fait cavalier seul sur votre dernier album, Guerrier, alors que vous vous entourez toujours de beaucoup d’artistes ?
J’ai déjà fait jouer 200 personnes autour de moi, alors me retrouver tout seul, c’était un chalenge ! Ceci a permis davantage d’intimité. Le titre Assetou, par exemple, a été écrit pour ma première fille qui est décédée. Je n’ai pas de photo d’elle et cette mélodie me raccrochait à mon enfant : le morceau a trouvé sa place sur ce disque qui est plus proche de moi. Musicalement aussi, il va à l’essentiel.
Quelle bataille menez-vous avec cet album sorti cette année, en pleine crise au Mali ?
Un fléau est tombé sur mon pays et mon disque parle de la grande nation du Mali. Que ceux qui ne veulent pas y participer, disant qu’ils sont opprimés, sachent qu’il y a de la pauvreté partout, que toutes les ethnies sont logées à la même enseigne : les Sénoufos, les Malinkés, les Khassonkés… Et si des dirigeants malveillants ont appauvri leur communauté, ça n’est pas de la faute de la population. Mon ami Ahmed Amanar s’est fait brûler sa maison parce qu’il a chanté la noce sacrée des communautés maliennes et que certains lui ont reproché d’avoir trahi la cause des Touaregs ! C’est une grande blessure en moi : nous vivions en symbiose, mais la haine de l’autre est alimentée pour assouvir des besoins politico-politiciens.
03 88 33 36 68 Dernier album : Guerrier, édité par Universal