Shalvak se dévoile à l’Espace Apollonia
Archéologies humaines et urbaines, zones frontières… À l’Espace Apollonia s’épanouissent les œuvres de l’artiste géorgien Shalvak.
Vibrionnant, Shalvak – alias Shalva Khakhanashvili – est un plasticien multiforme, mais aussi un commissaire d’exposition qui fut musicien dans un groupe punk au cours des eighties. Cette énergie n’a jamais quitté un photographe aimant fabriquer des images complexes en noir et blanc, faites de savantes superpositions de clichés, plans et autres signes, qu’il rehausse parfois de peinture. Souvent imprimées sur toile, ses compositions ont envahi l’Espace Apollonia dans un parcours tricéphale. « Il ne s’agit pas d’une rétrospective, mais d’une présentation permettant de cerner les axes essentiels de mon travail », résume-t-il. Intitulée HUMAN, la première partie rassemble des images mettant en scène des femmes. Fragiles en apparence, elles sont des Amazones – série de 2022 évoquant curieusement les reliefs des métopes du Temple d’Apollon à Bassae – ou des guerrières (New Borders, 2008). Fréquemment, elles sont couvertes de bandages, ce qui les rend anonymes, effaçant leur identité au profit de l’universalité, mais il ne faut pas oublier que les « bandelettes préservaient les corps dans le monde terrestre pour protéger l’esprit et accéder à l’au-delà dans l’ancienne Égypte. »
Sourd aussi une profonde sensualité de ces images, comme les troublants Androgynes (1995) – frôlements de peaux extatiques – ou Station 0, Voyageur (2004), dont les composantes possèdent un érotisme trouble évoquant celui de Romain Slocombe ou de Nobuyoshi Araki. Intitulée Frontière, la deuxième section explore les limites entre les différents mediums (photo, peinture, collage…) tout autant que celles de l’Europe… De l’Ossétie à Tbilissi, via Paris, c’est toute une cartographie intime qui se met en place, avec des images construites puis déconstruites et reconstruites, reflétant des questionnements qui transpercent le continent : l’identité, les conflits, la forme d’une ville… D’un rouge mélancolique, la seule œuvre de couleur du parcours nous saute au visage. KAZBEK MOSKWA, 8 MAI 1945-1995 BERLIN, 2022 est une allégorie de la capitale allemande entre reconstruction anarchique post-Mur et réminiscences staliniennes. Enfin, le parcours s’achève avec La Cité, archéologie urbaine où « le hasard possède une place revendiquée » : se stratifient et s’enchevêtrent monuments existants et plans d’édifices jamais construits, histoire de générer un jeu dialectique entre visible et invisible, présence et absence. Voilà de singulières mythologies contemporaines. Une expression qui pourrait s’appliquer à la totalité de l’exposition.
À l’Espace Apollonia (Strasbourg) jusqu’au 29 janvier
apollonia-art-exchanges.com