Et s’il était temps de Rêver Molière ? À l’occasion des 400 ans du dramaturge, la jeune troupe des CDN de Colmar et de Reims décortique avec originalité son monde fantasque.
«Que prenait-il au petit-déjeuner ? Est-il vraiment mort sur scène ? Nous ne répondrons qu’à une partie de ces questions. Le reste : cherchez par vous-mêmes ! » Léa Sery, Gaspard Raymond et Julien Lewkowicz apostrophent d’emblée le public, posant les bases de leur jeu, jonglant entre humour et modernité. Les trois comédiens font partie de la ”jeune troupe”, un dispositif mis en place en mars 2022 par les Centres dramatiques nationaux de Reims et de Colmar. Visant à faciliter l’insertion professionnelle d’artistes sortant des bancs des écoles supérieures (théâtre, cirque, marionnettes…), elle est également au coeur de la nouvelle édition du projet d’itinérance et de démocratisation de la Comédie de Colmar, Par les villages. « On a vraiment travaillé tous les quatre sur ce spectacle », précise le metteur en scène Youssouf Abi-Ayad, ancien pensionnaire du TNS. « Nous avons fait un brainstorming, étudié des oeuvres retraçant sa vie et, très vite, se laisser aller à rêver Molière s’est avéré plus inspirant. »
Séparée en trois parties, la représentation brosse tout d’abord un portrait vif et imagé du petit Jean-Baptiste Poquelin. Entre cotillons et panneaux roulants recouverts de tissu et d’arbres généalogiques faits maison, le ton est donné. La vie amoureuse du futur grand maître des planches a même le droit à l’incontournable Time of my life et à son inimitable porté… inimitable, justement. La tentative est saluée par une ovation de rires et d’applaudissements. Dès lors, les trois membres du groupe remportent la sympathie de tous : Julien Lewkowicz s’essaie au ‘‘air clavecin’’, Léa Sery revisite l’indémodable Un, deux, trois soleil ! déguisée en Roi Soleil – cela va sans dire – et Gaspard Raymond distribue à la volée des dizaines de petits coeurs en papier. Le deuxième chapitre offre donc un défilé de personnages hauts en couleurs, dans lequel l’écho à la vie contemporaine n’est jamais loin. Quoi de mieux pour interpréter le malade imaginaire que de superposer à outrance des masques FFP2 ? Il est aussi dit que Molière avait pour habitude de forcer les applaudissements. Ni une, ni deux, entre les changements de costumes et de perruques, les comédiens passent et repassent, un sourire au coin des lèvres. Le dernier acte clôt cette aventure avec davantage d’apaisement. Les lumières s’éteignent, le plateau s’endort, les souffles reprennent un rythme plus tranquille. Face à un miroir fictif, la jeune troupe se maquille une dernière fois dans un silence presque parfait. Seules leurs voix pré-enregistrées résonnent : « J’aimerais traverser le plateau en volant. J’aimerais détruire le décor et danser sur du Beyoncé. J’aimerais porter des talons taille 42, parce que je n’arrive pas à en trouver… » Certaines doléances n’ont pas dépassé le stade de la fiction, mais la plupart ont réussi à prendre vie.
À Vogelsheim (08/11), Riquewihr (10/11), Zimmerbach (15/11), Sundhoffen (16/11) et Herrlisheim-près-Colmar (18/11), puis dans d’autres villages du Haut-Rhin du 10 au 27 mai 2023
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