Baptisé La Grande Gare, le festival d’automne du Festspielhaus emporte les spectateurs dans le XIXe siècle musical à toute vapeur, avec des chefs comme Thomas Hengelbrock et Teodor Currentzis.
La Grande Gare : l’intitulé est logique pour un événement organisé dans une salle, une des plus belles du continent, installée sur le site de l’ancienne… gare de Baden-Baden, dont les espaces wilhelminiens accueillent encore le spectateur. Explorant la modernité du XIXe siècle, le festival permet de découvrir le vérisme de Pietro Mascagni, novateur en la matière, qui anticipe le montage cinématographique avec Cavalleria Rusticana (11 & 13/11, en version de concert), dirigé par l’immense Thomas Hengelbrock, à la tête de son Balthasar-Neumann-Orchester. La phalange allemande joue aussi sous la baguette d’Antonello Manacorda pour une attendue Symphonie fantastique de Berlioz (12/11), compositeur dont les liens avec la cité thermale sont bien connus. Voilà autobiographie sentimentale en forme de tremblement de terre, inspirée au musicien par son amour pour Harriet Smithson et quelques références littéraires, Les Confessions d’un Anglais mangeur d’opium de Thomas de Quincey et Les Odes et Ballades de Victor Hugo. Le résultat est une pièce qui révolutionna la musique, où sont transcendées toutes ses influences. Les différents mouvements correspondent aux stades successifs du transport amoureux : rencontre de la femme idéale – identifiée à une mélodie à la semblance d’une idée fixe –, puis développement de la passion dans une merveilleuse scène pastorale. Le troisième mouvement résonne comme un hommage à Beethoven : il marque la rupture entre la réalité souriante du début et le fracas de la plongée dans la douleur et le cauchemar qui suivront. Avec cette entrée tonitruante dans un monde de ténèbres, la partition rejoint les circonvolutions tumultueuses d’un tableau de Bosch pour se terminer dans une apothéose échevelée.
On retrouvera aussi avec plaisir Teodor Currentzis – et son ensemble MusicAeterna – pour deux programmes permettant d’apprécier la rigueur musicale extrême d’un chef au look de dandy huysmansien post-moderne, qui creuse la partition en profondeur, en explorant de manière expressive les moindres détails, histoire d’aiguiser les sens et l’intellect du spectateur. Dans un premier programme événement, il donne la Messa di Requiem de Verdi (17 & 20/11), oeuvre pharaonique hésitant entre échappées sacrées et extases lyriques, dont les aspects opératiques ressemblent à une glorification de la vie, entre angoisse du néant et espoir qu’il puisse exister quelque chose après. Encore plus excitante est la Carte blanche laissée au chef (19/11), un voyage en terre inconnue dont chacun ne peut que se réjouir !
Au Festspielhaus (Baden-Baden), du 11 au 20 novembre
festspielhaus.de