Non content de proposer rencontres, ateliers concerts et spectacles d’artistes venus de toute l’Europe à Metz, Passages Transfestival se déploie cette année à Nancy et Esch-sur-Alzette.
Une quarantaine d’événements avec des créateurs de tous horizons, tel est le programme d’un festival ayant plus de vingt-cinq ans. Parmi les têtes d’affiche à ne manquer sous aucun prétexte, l’une des figures majeures de la nouvelle scène théâtrale espagnole : El Conde de Torrefiel. Pensé pour une seule personne à la fois, leur nouvelle expérience scénique Se Respira en el jardín como en un bosque (05-15/05, Chapelle des Templiers) vous place tour à tour dans le rôle du spectateur et de l’interprète. Comme toujours, Tanya Beyeler et Pablo Gisbert cherchent à rendre visible le monde comme si la réalité n’était qu’un artefact de notre imagination. La déambulation poétique et les actions qu’ils proposent, muni d’un casque sur les oreilles duquel proviennent des indications, visent à se détacher de l’environnement immédiat, à voir les choses avec distance, dans une contemplation silencieuse. La performance Voodoo Sandwich (07 & 08/05, Salle du Gouverneur) conçue par Augustin Rebetez (plasticien pluridisciplinaire) et Niklas Blomberg (contorsionniste frapadingue) rebat avec vivacité les cartes du genre dans un cabaret pour transformiste solo. Tour à tour squelette-musicien, femme-vampire ou DJ-bonimenteur, Niklas s’attache comme des prothèses tout un tas d’objets trouvés dans un amas recouvrant le plateau. Préparez-vous à tanguer, ici les identités se bricolent dans l’instant, au milieu de bruitages sauvages et de monstres surgissant du moindre recoin disponible d’imaginaires sévèrement dopés à la libre association.
Move on up
Les amoureux de chorégraphies contemporaines ne seront pas en reste avec Boris Charmatz, appelé à prendre la direction du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch, qui présente 20 danseurs pour le XXe siècle et plus encore (07 & 08/05, Centre Pompidou-Metz) du Forum aux Galeries, en passant par les terrasses, les jardins et les coulisses du Musée. Un best of au milieu des œuvres de l’une des plus belles collections de France. Virage à 180° avec la fascinante free party imaginée par Gisèle Vienne : Crowd (11/05, Arsenal) ralentit à l’extrême le tempo des gestes d’une foule de jeunes lors d’une fête underground. La bande-son signée KTL remplit l’espace de basses surpuissantes. Dans une scénographie mêlant terre et détritus en plastique, l’artiste franco-autrichienne distord le temps, brouille les repères en manipulant toute une palette d’effets cinématographiques pour orienter nos regards. Elle explore les pulsions intimes, l’érotisme lascivement charnel et cette zone indécise où le réel se tord sous les puissants assauts du désir. Les jeunes fêtards se statufient, multipliant des mouvements cadencés comme dans un rembobinage sans fin des mêmes séquences. Les gestes saccadés et les ruptures de rythme reproduisant l’effet d’un stroboscope renforcent l’impression d’un spectacle sous opiacés, en slow-motion.
Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen éprouvent la force du rituel du Miroloï dans Lamenta (05/05, Arsenal). Sur un plateau nu, seulement sculpté par la lumière, neuf danseurs provenant de différentes régions de Grèce déconstruisent et recomposent les danses populaires traditionnelles des montagnes de l’Épire, frontalière de l’Albanie. Jouant du ralentissement et de l’accélération pour atteindre la catharsis, les interprètes multiplient battements de pieds et de mains, rondes exaltées entourant solos et duos, portés ou encore passages toniques au sol… Dans des costumes où le noir laisse petit à petit le blanc envahir les membres, la peine et son dépassement collectif découlent des corps. Cette recherche d’épuisement par le débordement, jusqu’à la transe, étant portée par des musiciens hellènes et l’improvisateur de génie Magic Malik. Quant à la petite dernière, c’est du Mexique qu’elle tire Frontera / Border (15/05, Terrasse de l’Orangerie). Amanda Piña collecte les danses traditionnelles en voie de disparition. Celle-ci vient du quartier d’El Ejido Veinte de Matamoros, à la frontière américaine. Instrument de propagande espagnole de l’après Conquistadores, cette chorégraphie agrégée à des mouvements issus du hip-hop résiste aujourd’hui aux récits coloniaux en promouvant mysticisme et rituels indigènes. La résistance par l’exubérance et la provocation visuelle touche en plein cœur !
À Metz du 5 au 15 mai, à Nancy du 17 au 19 mai et à Esch-sur-Alzette du 20 au 22 mai
passages-transfestival.fr
Capitale de la Culture
La mini incursion du festival au Luxembourg est aussi courte qu’intense avec la parole d’afro-descendantes de Mailles (20/05, Escher Theater) récoltée par Dorothée Munyaneza pour une pièce chorégraphique touchante et engagée. Sur la place du Brill d’Esch-sur-Alzette, les 1Watt reprennent en main l’espace public avec Free Watt – D’ailleurs (21-22/05). L’avenir poétique qu’ils y projettent nourrit les rêveries collectives tout en interrogeant les segmentations citoyennes. Et pour finir en apothéose, dans un grand fracas empruntant à dada comme à Tex Avery, Miet Warlop recatapulte ses personnages bricolés sur les traces d’une pièce ancienne (Springville) dans une farce pétaradante et savoureusement rebelle (After all Springville, 21 & 22/05, Escher Theater).