Dans une galerie helvète (Lilian Andree) située à quelques encablures de la Fondation Beyeler, Pascal H Poirot présente des toiles récentes, avec l’eau comme fil conducteur.
Pascal H Poirot s’était fait connaître dans les années 1980 avec ses Canapés, dont les avatars semblent se multiplier à l’infini depuis, mais « une peinture n’est jamais “satisfaite”, elle en appelle d’autres, toujours d’autres », s’amuse-t-il. Cette exposition permet de découvrir des séries récentes, dont Aqua où des architectures géométriques en diable se confrontent aux contours incertains et mobiles de l’élément liquide. Un hasardeux chemin de billots ronds posé sur une onde dont les teintes hivernales hésitent entre indigo et violet (Aqua O) dialogue avec son homonyme fait de planches (Aqua L). Où mènent-ils ? Ces toiles renvoient à la quête de sens animant nos existences, étant bien entendu que le voyage est plus important que la destination. C’est tout du moins ce que l’artiste semble susurrer au visiteur dans ces paysages figuratifs non réalistes, vues métaphysiques sur lesquelles plane l’ombre de Giorgio De Chirico. Dans d’autres compositions, la pierre a remplacé le bois. Des bâtiments aux formes étranges – édifices dont la construction est arrêtée ou ruines grandioses d’une civilisation disparue – émergent des flots aux moirures bleutées de lacs alpins. On croit reconnaître des fragments à la perspective allègrement faussée des Thermes de Vals (Aqua H) construits dans les années 1990, en sombres dalles de gneiss, par le Prix Pritzker 2009, Peter Zumthor. Radicales et épurées. À moins que ce ne soit la voisine Fondation Beyeler, œuvre de Renzo Piano aux faux airs de temple maya pourrissant dans la jungle.
Le chevalet est l’acteur principal d’une autre série, qu’il trône au bord d’une terrasse de bois ouvrant sur un paysage évoquant un détail des Nymphéas de Monet passé à la moulinette pigmentaire d’un David Hockney en fusion (Éxécution O) ou qu’il soit nonchalamment posé face à des montagnes aux neiges éternellement irisées de mauve (Éxécution X). Le jeu dialectique permanent entre le dedans et le dehors génère une étonnante mise en abyme entre la nature et la toile, comme si PHP se jouait des catégories, faisant de l’espace sa maison. Et réciproquement. Toutes aussi fluides sont d’autres séries, comme Barques – esquifs semblant flotter sur une surface ondoyant d’irréelle manière et où se reflètent de sombres forêts – ou Alpes, dans laquelle il se laisse griser par les sommets perdus dans les nuées et posés dans le lointain, sur l’autre rive d’un lac… Comment ne pas penser à Ferdinand Hodler ? N’oublions pas pour autant Austral, work in progress permanent manifestant la fascination de l’artiste pour les antipodes avec une pirogue aborigène – souvenir de la visite du National Museum of Australia de Canberra – voguant au cœur de charmants dégoulinements de pigments. Comme si tout coulait toujours de source…
À la Galerie Lilian Andree (Riehen / Bâle) jusqu’au 20 février
galerie-lilianandree.ch
pascalhpoirot.com