Artiste associé au Théâtre national de Strasbourg, Lazare réinvente le mythe de Psyché dans Cœur instamment dénudé, pièce foisonnante explorant les efflorescences du désir.
Jeune mortelle, Psyché est si belle que Vénus, jalouse en diable, demande à son fils Cupidon de lui décocher une flèche afin qu’elle tombe amoureuse d’un sale type. Las, le dieu craque pour la charmante jeune fille. Il l’enlève et la cloitre dans un palais merveilleux où, invisible, il la rejoint chaque nuit dans de torrides ébats. Mais elle s’ennuie à mourir dans sa prison dorée, tandis que ses envieuses sœurs – qui ne rêvent que de biens matériels – la persuadent que son amant est un monstre. Une nuit, elle enfreint alors l’interdit : en pleine lumière, Cupidon est dévoilé… Telles sont les grandes lignes de l’histoire contée par Apulée dans Les Métamorphoses écrites au IIe siècle après Jésus-Christ, que Lazare a totalement recomposées, en partie en vers… « Cette pièce est née du confinement (et va le retraverser en quelque sorte) », explique l’auteur et metteur en scène : « Pour une amie qui était triste, j’en écrivais un épisode pendant la journée pour lui lire chaque soir, afin de lui faire passer un beau moment. » Comme Heiner Müller l’avait fait avec Prométhée, il « souhaite casser le mythe pour voir ce qui se dissimule au dedans. Une fois brisé, tu trouves tout un big data à l’intérieur. J’essaye néanmoins d’entrer avec délicatesse dans le récit avant de le déconstruire façon dadaïste à grands coups de musique et de chant aussi. C’est en effet une histoire que tout le monde ne connaît pas, mais pourtant fondatrice », résume-t-il. C’est cette affaire de rapt qui l’intéresse au premier chef ; elle « nous ramène à la question du consentement et du désir. Elle interroge le patriarcat. Est-ce le fantasme de Psyché ? Est-elle consentante ? Est-ce un viol ? »
Pour le metteur en scène, « Psyché n’est pas la jeune fille un peu naïve mais en même temps très drôle d’Apulée. C’est un personnage kafkaïen qui pense beaucoup le monde, se retire pour réfléchir les rapports sociaux, cernée par des questionnements, et qui fantasme le réel. Lorsque le conte est fini – il n’était qu’un fantasme –, quand elle quitte le “palais sensuel”, elle se retrouve dans un endroit très sombre avec sa belle robe tout sauf adaptée à ce nouvel environnement. » À côté des protagonistes classiques de la narration, on croisera un chat venu plaider la cause de la nature, des opposants aux Dieux qui ont mis des écrans de surveillance partout et bien d’autres figures, grâce à une réjouissante relecture en forme d’éternelle lutte pour la joie dans un fulgurant élan de vie. Lazare passe cette Psyché à la moulinette de son exubérante poésie, en questionnant les différents avatars du désir…
Au Théâtre national de Strasbourg, du 11 au 22 janvier
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