Générateur de nature

Événement phare de la 39e édition du festival Musica, Asterism est un objet artistique immersif hors normes signé Alexander Schubert, d’une durée de 35 heures et 34 minutes.

Emblématique de l’esprit d’ouverture tous azimuts et de croisements multiples insufflé par Stéphane Roth à Musica depuis son édition 2019, Asterism (présenté avec le Maillon et l’Opéra national du Rhin) est un objet artistique non identifiable. « Il ne s’agit pas d’un concert, ni d’une performance. C’est une installation, mais pas vraiment », résume le directeur du festival. Fidèle à son credo, il fait découvrir au public un compositeur encore peu joué en France, mais cependant majeur, en la personne d’Alexander Schubert (né en 1979) dont la pratique se situe à l’intersection des genres musicaux – free jazz, hard rock, techno, classiques contemporains… – et des pratiques. S’autorisant des hybridations majuscules, celui qui a aussi étudié la bio-informatique, avec une spécialité en sciences cognitives, fait vivre au public des expériences visuelles et sensorielles (d)étonnantes à l’image de Black Mirror, se déroulant dans le cadre d’un hôtel abandonné, présenté au cours des rainy days de La Philharmonie de Luxembourg, en 2016.

L’essence d’Asterism se trouve dans son titre évoquant un terme d’astronomie, « une entité cohérente composée par des étoiles particulièrement brillantes qu’on reconnaît visuellement, mais qui sont uniquement liées entre elles par la figure qu’elles composent, ne formant pas une constellation », résume Alexander Schubert. Le plus célèbre exemple est sans doute la “grande casserole” (ou “grand chariot”) dans la Grande Ourse. Et le compositeur de brouiller immédiatement les pistes, ajoutant qu’il s’agit « aussi de trois astérisques en triangle qui indiquent une rupture dans le flux du texte ou le début d’un paragraphe, en typographie. » Pour être plus concret, imaginez un plateau nu de 400 m2, fragment de nature – avec arbres, lac, etc. – dans lequel le public pénètre par groupes de vingt personnes, les uns succédant aux autres, pendant 35 heures et 34 minutes. L’espace est habité de perfomers, de musiciens… Le réel ? Peut-être. Mais un réel réaliste (re)construit avec ses odeurs, ses échappées… Un réel magnifié à la mode romantique germanique ? Surement pas, deux-cents ans plus tard, Alexander n’est pas Franz. Chez lui, tout cela se pixellise, est en métamorphose perpétuelle, glitche sans arrêt… Impossible à décrire. Essentiel à vivre.

Pour le compositeur, il s’agit autant d’une « expérience d’apprentissage que d’une expérience esthétique. En fait, c’est avant tout un lieu où il est possible de se confronter à la nature et d’apprendre quelque chose du monde. Oui, un lieu, ça me va. » On pense évidemment aux espaces chromatiques vibratoires et hypnotiques de James Turrell, l’épure en moins. Avant de pénétrer dans ce lieu, le public est “préparé” : « Un véritable rituel », s’amuse le compositeur qui n’hésite pas à qualifier l’expérience vécue de « pèlerinage post-digital ». Asterism permet d’entrer dans une « réalité simulée, un bout de nature créé in-vitro dans une black box. Ici c’est un théâtre, pour des raisons techniques, mais je pense que cela aurait eu encore plus de sens de s’installer dans une usine abandonnée. » Musique (programmée et improvisée, sonorités naturelles et artificielles), lumière, projections… Tout est sur le même plan dans un monde qui peut être considéré comme un avatar contemporain de la Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale) chère à Richard Wagner.


Au Maillon (Strasbourg), du vendredi 17 septembre à 19h37 au dimanche 19 septembre à 7h11
festivalmusica.frmaillon.eu
alexanderschubert.net

vous pourriez aussi aimer