Duo au sommet: Sylvain Luc et Biréli Lagrène

©Philippe LEVY-STAB

Rencontre entre deux monstres sacrés, le concert des guitaristes Sylvain Luc et Biréli Lagrène est un des temps forts du très dense Colmar Jazz Festival.

Avaient-ils pressenti que leur collaboration se mesurerait à l’échelle d’une vie ? Sorti en 1999, Duet, premier album de Sylvain Luc et Biréli Lagrène s’ouvre sur une reprise de Time after Time de Cyndi Lauper. Depuis plus de vingt ans, leurs retrouvailles, rares, entretiennent la nostalgie d’une douceur et d’un ravissement partagés depuis les débuts. Tout a commencé… dans les pages d’un magazine. En 1997, au fil d’une interview pour French Guitar, Biréli Lagrène cite Sylvain Luc comme l’un de ses guitaristes favoris. « Je ne le connaissais pas », se rappelle ce dernier. « Il avait dit des choses très gentilles et regrettait que l’on ne parle pas davantage de moi. Je l’ai donc appelé pour le remercier. » Les deux guitaristes s’invitent ensuite chacun sur scène, à Schiltigheim et au Sunset, à Paris. Suffisant pour que l’admiration devienne mutuelle, avant d’être reconnue par le label Dreyfus jazz et validée par le public puisque Duet s’est vendu à plus de 70 000 exemplaires, des hauteurs peu fréquentées par le jazz français ! Avec Time after Time, les deux artistes donnaient le ton d’une aisance dans le dialogue : « Ça a tout de suite été naturel entre nous », témoigne Sylvain Luc. Culte de la surprise, dans le choix du répertoire comme dans le rapport à l’improvisation, et virtuosité au service des histoires qu’ils déroulent : dans Duet, puis Summertime (2009), les deux guitar heroes loués comme les pointures hexagonales de l’instrument et habitués à tous les honneurs, font valoir leur facilité à se “ballader” à travers les genres. Des standards de jazz comme So whatSomeday my prince will come ou On green dolphin street répondent ainsi à des échappées belles du côté des Beatles (Blackbyrd), Stevie Wonder (Isn’t she lovely), Henri Salvador (Syracuse) ou Georges Brassens (Les Amoureux des bancs publics). Issus de la même génération, ils piochent dans des références communes ou font appel à leur immense talent : savoir tout jouer et pouvoir tout relever à l’oreille en un temps trois grattements. Une aptitude cultivée par tous les musiciens de jazz, mais ici pratiquée à un niveau stratosphérique. De telle sorte que les standards revisités leur servent de prétexte au jeu de l’improvisation. À deux, s’échangeant les rôles d’accompagnateur et de soliste, ils font parler leur « amour commun du rythme et du groove ». Sans filet de sécurité. « On se donne forcément la tonalité, mais le rythme n’est pas forcément prédéterminé », explique Sylvain qui rajoute : « Pour Stompin’ at the savoy sur notre premier album, on ne sait pas du tout pourquoi on est partis sur une espèce de reggae, sur un rythme ternaire, alors que ce standard est habituellement joué très jazz. » Cette année marque de belles retrouvailles entre deux quinquagénaires qui ont joué avec le gotha mondial. Internationale, leur réputation n’est plus à faire. Né à Soufflenheim, Biréli Lagrène a par exemple aussi bien enregistré avec Jaco Pastorius, Stanley Clarke et Marcus Miller – trois légendaires bassistes américains – qu’avec Michel Petrucciani ou Richard Galliano. Mais après trente ans à écumer les scènes, ces deux cadors n’en finissent pas de chercher la surprise, toujours dans l’idée de provoquer des réactions dans l’auditoire aussi bien que chez le partenaire. « On aime surprendre par-dessus tout. Et si on se surprend nous-mêmes, il y a de grandes chances que l’on surprenne le public. C’est un vrai bonheur de planter une grille d’accord inattendue, ou un rythme qui n’était pas prévu », résume Sylvain Luc.


Au Parc des Expositions (Colmar), vendredi 24 septembre
festival-jazz.colmar.fr

All that jazz

Dans la programmation du festival, citons également un concert du Gregory Ott trio qui a convié Léopoldine HH et Matskat pour une subtile variation autour de Miles Davis et Serge Gainsbourg (18/09, Salle Europe). On craque également pour la voix de Sarah McKenzie rappelant Shirley Horn ou Blossom Dearie (22/09, Théâtre municipal) et pour Médéric Collignon : accompagné du Jus de Bocse, incroyable quartet à cordes, il conjugue jazz, funk et rap pour notamment revisiter le hip-hop des eighties (23/09, Tanzmatten). Enfin, n’oublions pas In Geometry formé autour de la chanteuse Claire Parsons et du guitariste Eran Har Even (25/09, Parc des Expositions) : l’ensemble crée une connexion intimiste, mélangeant les contrastes avec des compositions originales et inspirantes.


À La Salle Europe, au Théâtre municipal et au Parc des Expositions (Colmar), et aux Tanzmatten (Sélestat), du 17 au 27 septembre
festival-jazz.colmar.fr

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