Depuis des mois, les musiciens ont laissé les autorités improviser à leur place. L’heure est enfin venue pour eux de reprendre leurs instruments. Les festivals de jazz sont de retour.
Quels sentiments habiteront chacun de nous au moment de retrouver les concerts ? L’excitation, le soulagement, la joie débordante ? Roberto Fonseca (24/06) semble parfait pour les faire exploser au festival Wolfi Jazz. Avec sa virtuosité, son talent pour virevolter sur les 88 touches, il saura incarner cette fête que tout le monde attend. Le pianiste cubain fait naître des émotions vives. Sa musique, de tradition afro-cubaine, table sur le feeling, les joies simples et entraînantes. Et ça marche ! Nommé pour un Grammy Award en 2012, il est une valeur sûre. A-t-il seulement déjà joué devant un public qui ne l’aurait pas accompagné en tapant des mains ? De facture plus “classique”, le jazz straight-ahead de Pierrick Pédron (26/06) et du Moutin Factory quintet (23/06), qui compte quelques-uns des musiciens les plus doués de la scène hexagonale, vaut bien plus que le détour. Avec les frères Moutin (contrebasse et batterie), Paul Lay (piano), Manu Codjia (guitare) et Christophe Monniot (saxophones) concourent à une musique à la fois dense, à flux tendu et diablement intense. Sensiblement dans la même veine, Pierrick Pédron a enregistré son dernier album à New-York, capitale du jazz. Il y a emmené son éternel lyrisme. À Wolfi Jazz, il sera entouré de trois musiciens français.
Les années passent et il y a systématiquement du bon à prendre dans la programmation d’Au grès du jazz, à La Petite Pierre, dans le cadre très reposant du Parc naturel régional des Vosges du Nord, en Alsace. On y cultive le goût de la belle mélodie… que le pianiste Thomas Enhco (11/08) et la chanteuse Youn Sun Nah (14/08) déploieront avec la magie et l’extrême sensibilité dont ils savent user. Le premier se produira en solo, un exercice qu’il connaît. Le jeune trentenaire, révélation des Victoires du jazz, en 2013, arpente les scènes depuis l’enfance, avec un talent immense et une sérénité communicative. À ce sujet, Youn Sun Nah est bluffante. On sort de ses concerts en paix avec soi-même. À la Petite Pierre, la chanteuse retrouvera son comparse Ulf Wake- nius pour un duo voix-guitare qui a beaucoup voyagé par le passé. Revisitant d’anciennes compositions, le contrebassiste emblématique du jazz français Henri Texier (08/08), 76 ans, est accompagné de musiciens plus jeunes que lui, tel le batteur Gautier Garrigue, de 40 ans son cadet, appelé pour l’album Sand woman puis reconduit sur Chance, deuxième et dernier opus en date. Texier ne tergiverse pas à propos des musiciens de son excellent quintet : « Ils sont formidables. » Avec eux, il se réjouit de se laisser aller au “jouage” et se lancer dans de longues plages d’improvisations habitées.
Un autre vétéran, le claviériste Cheick Tidiane Seck (07/08) sera de la 18e édition du festival. Figure majeure de la musique malienne, ce maître du groove rendra hommage à Randy Weston, décédé en 2018. Longtemps, ils ont souhaité traduire leur amitié en musique, sur un album. Cheick Tidiane Seck entretient désormais la mémoire du pianiste afro-américain. Sur scène, le Malien aime distribuer des noix de Kola aux spectateurs, pour les vertus stimulantes de leur teneur en caféine.
Il faut aller au festival météo les oreilles grandes ouvertes. Comme une expérience à vivre, faite de découvertes, de tensions, d’émerveillements. météo s’inscrit dans une lignée plus expérimentale de la musique, qui peut aussi bien ravir au premier abord que demander à être apprivoisée. Les concerts du quartet H – guitare & oud, violoncelle, percussions (25/08) – et du quatuor de clarinettes WATT (en résidence au festival, 17-21/06) s’annoncent passionnants. Certains bousculeront ou questionneront peut-être les spectateurs. Sont-ils pour autant difficiles d’accès ? La musique de Kepler (26/08), par exemple, est contemplative, froide. Ce qui n’empêche pas d’y plonger avec bonheur ! Le trio formé par Julien Pontvianne, Adrien et Maxime Sanchez (deux saxophonistes et un pianiste) veut « un seul son à emmener jusqu’au bout ». Il se définit comme « une musique de chambre dans l’esprit », lente et minimaliste, où « les morceaux sont relativement écrits et les formes courtes ». Son intensité pousse au recueillement, à une manière de faire le vide intérieur à mesure que le son se propage dans l’espace. De quoi méditer en direct sur le plaisir de retrouver la musique live !
La Jazz list
› Wolfi Jazz
Fort Kléber (Wolfisheim), du 23 au 27 juin
wolfijazz.com
› Jazz à la Petite France
Place Saint-Thomas (Strasbourg), du 16 au 18 juillet
jazzalapetitefrance.com
› Au Grés du Jazz
La Petite Pierre, du 7 au 15 août
festival-augresdujazz.com
› Festival météo
Mulhouse, du 24 au 28 août
festival-meteo.fr