Beyrouth mon amour

Photo d’Habib Saleh

Bachar Mar-Khalifé signe un nouvel opus électro-acoustique puissant, On/Off, enregistré au Liban avant l’explosion qui a ravagé le port de la capitale.

Insolite et percutant, noir et lumineux, extatique, On/Off, le nouvel album de l’artiste franco-libanais, prend aux tripes.Traversé d’orages et de silences, la voix du chanteur y jaillit parfois comme un cri déchiré d’amour à son pays natal. Mêlant la musique classique à l’électronique, les tourbillons rythmiques à l’épure du piano, le compositeur et multi-instrumentiste exprime les tourments d’un peuple meurtri, harassé par l’incurie de sa classe politique, le marasme économique et la crise sociale. Depuis la déflagration qui a dévasté Beyrouth en août dernier, l’homme est de tous les concerts de soutien, et dix pour cent des sommes récoltées sur les ventes de son disque seront reversés à l’ONG Beit El Baraka. Ce cinquième opus, il l’a écrit et enregistré là-bas, en décembre 2019, avant la catastrophe, mais au rythme des contestations populaires qui embrasaient déjà la capitale. « J’ai répondu à un appel physique très fort, qui me poussait à y retourner, coûte que coûte », raconte-t-il. Au milieu du chaos, il se lance dans un travail de mémoire intime et profond, se retire dans la demeure familiale, une maison en pierre isolée dans les montagnes de Jaj, dont les célèbres cèdres dominent les sommets. « L’album est fortement coloré par cette nature brute et rocailleuse », explique-t-il. « L’électricité coupe toutes les quatre heures – on/off. On est sans cesse accroché au générateur. La nuit est glaciale, bercée par les huées de hyènes. Les jours de tempête, la lumière toujours changeante du soleil disparaît parfois totalement. La maison est alors enveloppée de nuages noirs. On a le sentiment d’appartenir au ciel. »

Les beats galvanisants d’Insomnia, dont les chœurs hypnotiques répondent à l’emballement des claviers, évoquent le cauchemar éveillé des Libanais, les longues nuits d’angoisse qui empêchent le repos des corps. Tandis que Zakrini, morceau à couper le souffle d’émotion, puise dans le souvenir de la grand-mère du musicien et de ses bons petits plats, pour réaffirmer la puissance de la poésie contre le désespoir. Dans Le Prophète, on peut également entendre la voix du père, Marcel Khalifé, célèbre oudiste, déclamant le texte de Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils viennent par vous mais non de vous, et bien qu’ils soient avec vous, ce n’est pas à vous qu’ils appartiennent. » Le disque se clôture sur un poignant piano-voix, reprise bouleversante de Ya Hawa Beirut, que la grande Fairouz interprétait en pleine guerre, clamant son espoir de voir un jour la cité renaître de ses cendres. « C’est ma ville natale », confie Bachar. « Je prononce seulement son nom, et tout mon corps résonne


Le concert initialement prévu le 1er décembre à La Cartonnerie est annulé. Tickets remboursables jusqu’au 15/02/21.
cartonnerie.fr

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