Le festival rémois Born to be a live, cinquième du nom, se tient bel et bien en 2020. Deux semaines de traversées épiques dans des créations chorégraphico-performo-circo-théâtralo-musicales… qui font du bien !
Jasmine Morand ne fait rien comme les autres. Ceux qui avaient découvert son fascinant travail dans Reims Scènes d’Europe en 2018 avec Mire1 ne manqueront pas de retrouver la Suissesse. Fidèle à ses dispositifs contemplatifs et chorégraphiques, elle entraîne treize danseurs dans Lumen (05/11, dès 12 ans). À mi-chemin entre installation et chorégraphie, cette pièce est une traversée jouant sur un nouveau dispositif optique. Regard troublé ou trouble du regard, de la pénombre émergeront des surprises hypnotiques. Autre univers singulier, celui de Nosfell et de son Corps des songes (12/11 et en tournée2). L’auteur-compositeur-interprète lance son corps tatoué dans l’arène pour un seul en scène en forme de conte cruel à la musique poético-pop et à l’univers esthétique fascinant. L’apport de Dominique A, qui cosigne avec lui les textes, et le regard de François Chaignaud sur la chorégraphie n’y sont assurément pas pour rien ! L’artiste se fait chimère, endossant peaux de bêtes et masque immense. La cartographie verte sur laquelle il évolue ne cesse de se reconfigurer, soumise aux quatre octaves accompagnant la mue perpétuelle d’un rêveur né.
Libération
Contrepied total avec Sandrine Juglair, ancienne du Cirque Plume. La lauréate 2015 de CircusNext a créé Diktat (07/11) voilà une poignée d’années. Contrairement aux attentes, ce n’est pas vraiment du cirque. Au point que le spectacle aura commencé bien avant que vous ne le voyiez. Et ne comptez pas sur cette spécialiste du mât chinois, diplômée en 2008 du Centre national des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne, pour dévoiler ce qu’elle vous réserve. Celle qui campe une galerie de personnages en enfilant et jetant une flopée d’accessoires dans une course folle, joue des ressorts du slapstick et des running-gags sans s’en satisfaire. Avec finesse, Diktat passe au crible les visions machistes autant que les carcans que s’imposent les femmes. Le tout avec une touchante fêlure qui la voit s’accrocher comme elle peut à la scène, de peur que le public ne la regarde plus. Le drame de tout comédien ! Autre proposition féminine radicale, The World Was On Fire (05/11). Cette pièce de Nina Vallon, chorégraphe brésilo-suisse, débute telle une toile de maître pour cinq femmes aux corps figés. Mais sur fond de DJ set épique mixant en direct la partition poétique de cette expérience, les voilà qui frisent la sorcellerie moderne en tirant joyeusement vers le fantastique. Une quête de libération où se mêlent les voix, les corps et les intentions dans un temps s’étirant comme une sombre rêverie.
Au Manège (Reims), du 3 au 14 novembre
manege-reims.eu
1 Lire Le Festin nu dans Poly n°206 ou sur poly.fr
2 Spectacle accueilli dans le cadre des Vagamondes, festival de La Filature (Mulhouse), 20/01/2021, puis à L’Espace des Arts de Châlons-sur- Saône, 04 & 05/03/2021