Arrête-moi si tu peux

Un jour ici, le lendemain à l’autre bout du monde, Abdellah Karroum est le nouveau commissaire associé à La Kunsthalle de Mulhouse. Portrait d’un homme posé… qui ne tient pas en place.

Dans le TGV ou l’avion ? À Cotonou, Rabat ou Paris, trois villes où il « vit et travaille » ? Né en 1970 au Nord du Maroc, Abdellah Karroum est sans cesse sur les routes, cherchant à « construire des ponts entre le Nord et le Sud africain, trop peu connectés », et relier l’Europe à l’Afrique. Après des études à Bordeaux, il fonde l’Appartement 22 au début des années 2000, à Rabat. Un lieu alternatif d’expositions et de médiation, répondant à un déficit d’investissements des pouvoirs publics dans la culture. Il s’agit d’un espace physique, médiatique (RadioApartment22) et éditorial. Un « programme international » autour duquel gravitent des artistes « de la génération 00 », apparus dans les années 2000, qui produisent « un art de critique sociale et sont témoins des transitions politiques ». Parmi eux, l’Algérien Adel Abdessemed (récemment exposé au Centre Georges Pompidou à Paris) ou le Marocain mounir fatmi. Abdellah Karroum : « L’Appartement 22 est situé avenue Mohamed V, au cœur de Rabat, devant le Parlement. Bien avant le Printemps arabe, chaque jour, des groupes de femmes, d’étudiants ou de chômeurs venaient manifester. Les artistes ont vécu toutes les évolutions, les tentatives des différents pouvoirs à adopter des systèmes afin de rester le plus longtemps en place. Ils ont proposé des solutions, ont participé activement au mouvement en s’exprimant dans la rue. »

Même s’il a déjà « expérimenté » des institutions comme le Musée d’Art contemporain de Bordeaux, comment celui qui a pour habitude d’organiser des actions artistiques au fin fond du Cercle polaire ou dans des souks marocains, perçoit-il la Kunsthalle ? « Ce lieu industriel transformé en Centre d’Art et en Université, à la frontière entre plusieurs pays, permettra des rencontres et discussions, notamment avec des universitaires, et des collaborations avec Radio Campus, présente sur le site de la Fonderie. » La première proposition signée du curateur indépendant se nomme Sous nos yeux. Se déployant en plusieurs chapitres, elle questionne la notion même d’exposition. « Comment montrer, dans un espace fermé, des œuvres créées dans un contexte particulier ? » Sous nos yeux (partie 1) convie par exemple Gabriella Ciancimino, plasticienne italienne qui a travaillé dans le Rif sur le concept de “fleurs résistantes”. « Elle a accompagné une coopérative de femmes faisant du commerce équitable en collectant des fleurs aromatiques sauvages qui poussent dans des zones arides. Comme les plantes, elles “résistent” dans une région très masculine », ajoute Abdellah Karroum avant de s’envoler pour le Bénin.

Photo : Baptiste de Ville d’Avray / Hans Lucas

Sous nos yeux (partie 1), du 14 février au 21 avril, à La Kunsthalle de Mulhouse – 03 69 77 66 47

www.kunsthallemulhouse.com

 

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