Histoires de famille
Matthieu Roy repense l’expérience vécue par le spectateur dans Qui a peur du loup ? et Macbeth, diptyque opératique sous casque audio.
La similitude entre ces deux œuvres, évoquant des problématiques familiales retorses autour d’une atmosphère surnaturelle, n’était pas envisagée par Matthieu Roy lorsqu’il a commandé à Christophe Pellet l’écriture de la pièce jeune public Qui a peur du loup ?. D’un côté se trouve Dimitri, huit ans, seul suite au départ de son père mercenaire et de sa mère partie travailler en France, qui se réfugie en compagnie d’une camarade de classe dans un monde imaginaire pour fuir la réalité guerrière de son pays. De l’autre, un Macbeth focalisé sur le couple et modernisé dans lequel le héros devient un pompier souhaitant monter en grade au sein de sa caserne. Entre réalité et surnaturel, théâtre et chant, ces opéras joués séparément à la suite mettent en scène la puissance de l’imaginaire, qui mène Lady Macbeth au suicide et Dimitri à se voir transformé en loup. L’un trop ambitieux, l’autre trop inquiet, ces personnages se font prendre au jeu par leur propre imagination qui leur joue des tours et se referme doucement sur eux.
Afin que le public soit lui aussi plongé dans cette atmosphère anxieuse et fantastique à la fois, des bruitages de nature et plus particulièrement de forêt ponctuent l’espace sonore, déjà occupé par un septuor préenregistré composé d’instruments à cordes, à vents et percussions. Armés de casques audio, qui développent l’imaginaire de chacun, et installés dans un dispositif scénique bi-frontal, plaçant tout le monde sur le plateau pour créer un « rapport de proximité privilégié », les spectateurs se retrouvent immergés dans une « performance théâtrale, musicale et vocale » créant une situation paradoxalement collective et solitaire. Face à eux se trouve une maison faite d’échafaudages et divisée en trois pièces. C’est dans l’un de ces espaces que se révèle le surnaturel « pris en charge par la musique » qui s’opère quand le couple shakespearien rencontre les sorcières ou lorsque les enfants se retrouvent seuls. Cette transition entre réalité et imaginaire est mise en évidence par les acteurs qui se mettent à chanter et non réciter, passant ainsi du théâtre à l’opéra. Pour respecter la mise en miroir de ces deux représentations, le metteur en scène garde le même décor, tout comme la distribution composée de deux comédiens, deux chanteuses et une musicienne. Oscillant entre voix parlée et chantée, cette création « remet en cause l’écriture et la langue » affirme l’auteur Christophe Pellet.
Au Théâtre en Bois (Thionville), du 10 au 14 décembre
nest-theatre.fr
Au Théâtre de la Manufacture (Nancy), dans le cadre du festival RING (02-12/04), du 9 au 11 avril 2020
theatre-manufacture.fr