Terre natale
En collaboration avec Anne Ayçoberry, Renaud Herbin interroge les métamorphoses du corps et le maniement de la terre dans sa nouvelle création L’Écho des Creux.
En ouvrant sa pièce aux plus petits (dès 3 ans), le directeur du TJP s’ajoute volontairement une pression. Ce public réclame en effet « une précision, une immédiateté et un rapport au présent particulièrement forts ». Il est vrai qu’ils sont les premiers concernés par les thématiques évoquées : « L’amnésie de soi » qui survient lors des différentes modifications corporelles invisibles, plus nombreuses chez l’enfant, tel le babil qui disparaît au profit de la maîtrise de la langue. Après avoir parcouru tous les changements d’état possibles de la cire et sa faculté à recouvrir le corps avec Wax, Renaud Herbin réitère l’expérience avec un autre matériau. À nouveau accompagné d’Anne Ayçoberry, il se demande si « la métamorphose nous fait devenir un autre ou celui que nous devions être ». En Héphaïstos, qui fit naître Pandore de la glaise, le metteur en scène entraîne ses deux comédiennes à utiliser de la terre comme prolongement corporel pour aboutir à des transformations féériques. Plastique par son absorption de l’eau, soudée et compressée par la capacité des particules à se maintenir ensemble, liquide, boueuse ou solide, elle se révèle particulièrement malléable.
Conçue en collaboration avec la plasticienne Gretel Weyer, cette création expose des « corps qui s’allongent et se démultiplient » oscillant entre humain, animal et végétal. À l’aide de moules de parties d’êtres vivants fabriqués par l’ancienne pensionnaire des Arts déco – têtes, poils, plumes, pattes… – un véritable laboratoire prend place. Face au public, un décor en métal similaire à un castelet contient le matériau manié par les comédiennes. Au centre de cette structure, un filet de terre est utilisé comme coulisse et lieu de jeu pour surprendre les spectateurs. Grâce aux moules situés en dessous, les interprètes façonnent leurs têtes d’ânes ou fragments de peau écaillée en direct, avant de les associer à leurs corps. Entre étonnement, rire et effroi, les modifications imaginées après des semaines d’improvisation sont nombreuses, tout comme leurs attachantes réactions lorsqu’elles sont couvertes de boue, face à leurs bras démesurés ou leurs jambes adjointes de pattes d’ours. En temporalisant les transitions entre ruptures franches et glissements progressifs, elles agissent, seules ou ensemble. Au-delà de cette part d’amusement, le metteur en scène souhaite matérialiser les transformations que subit le corps lorsqu’il évolue, tandis que l’identité propre reste la même. Pour rythmer et accompagner ces métamorphoses, Morgan Daguenet offre un son électro léger. Dans cette pièce « on joue à se faire peur, être surpris et surtout se faire plaisir », conclut Renaud Herbin.
Au TJP (Strasbourg), du 20 au 26 novembre
tjp-strasbourg.com
Aux Bains Douches (Montbéliard), mercredi 4 décembre
mascenenationale.eu
Au Théâtre Dunois (Paris), du 29 janvier au 7 février 2020
theatredunois.org
À la Maison Daniel Féry (Nanterre), dimanche 26 janvier 2020
nanterre.fr