À l’occasion du temps fort dédié au chorégraphe flamand Wim Vandekeybus par Le Carreau de Forbach, retour sur TrapTown, son électrique dernière création.
Wim Vandekeybus a déjà eu plusieurs vies dans sa longue et riche carrière. Depuis longtemps, il mêle théâtre, danse, vidéo et musique dans un art total de la scène. Sa dernière pièce, TrapTown, revient sur des préoccupations déjà esquissées dans Œdipus / Bêt Noir. Celle d’un fils piégé dans un conflit intérieur avec son héritage paternel et historique. Enfant du tout puissant maire d’une ville utopique, divisée entre riches Odinèses et pauvres Mytriciens, il entend prendre le parti de la justice, conscient de l’iniquité criante d’un conflit vieux de 4 000 ans. Le chorégraphe renoue avec ses amours pour le septième art en signant un superbe film en noir et blanc se déployant sur le fond de scène. Totalement intégré à la dramaturgie et constitutif même de la scénographie du spectacle, il permet de cheminer dans le labyrinthe de relations complexes séparant les êtres et les communautés. De jouer des échelles et de la fascination de gros plans surplombant la foule au plateau. De concrétiser un rapport mystique à la puissance animale. Les corps agités des interprètes reflètent une tension permanente, comme habités et électrifiés de l’intérieur. Peur et colère se mêlent. Face au danger de gouffres qui apparaissent n’importe où, de manière arbitraire comme une colère inarrêtable de la Nature, les danseurs semblent s’extirper du sol, défiant la gravité avec intensité.
Wim Vandekeybus réinvente des danses populaires pour chaque groupe ethnique, sautillantes et pleines de corps-à-corps et de body clapping. Mais rapidement les rapports de domination refont surface, accompagnés par une omniprésente musique rock planante et lancinante signée Trixie Whitley, accompagnée par l’oriental kraut rock de Phoenician Drive. Pur produit d’un pouvoir despotique, l’androgyne héros de ce nouveau mythe, good guy de la révolution qui gronde contre son calculateur de père, se lance dans la désobéissance civile. « No justice no peace » clame-t-il, même si ses idéaux égalitaristes seront rapidement mis à mal par la volonté des insurgés d’en découdre par la violence et les attentats. Le dilemme entre gestion froide des masses et légitime désir d’émancipation se joue dans une saccade de mouvements, attaques fourbes dans un ballet de voltes faces et d’esquives toutes en ruptures, de fuites désespérées et de katas cathartiques. Autant de face-à-face organiques et immuables. Humains, trop humains.
Traptown est à découvrir au Carreau (Forbach), vendredi 11 octobre puis au Studio du Grand Théâtre de Luxembourg, jeudi 6 et vendredi 7 février 2020
carreau-forbach.com
theatres.lu
Go Figure Out Yourself sera présentée à La Synagogue (Forbach), jeudi 10 et samedi 12 octobre
carreau-forbach.com