Musica nouveau

Photo de Benoît Linder pour Poly

Échappées noise, regard sur les classiques du répertoire contemporain, spectacles où les corps se font instruments… La 37e édition de Musica marque un renouveau. Stéphane Roth qui fait ses débuts à la tête du festival détaille les lignes directrices d’un projet excitant.

Quels sont enjeux majeurs du festival ?
Ce qui se joue aujourd’hui est une autre écriture de l’histoire de la musique au XXe siècle : j’aime parler d’élargissement du champ de la création sonore et donc de décloisonnement. Cette histoire est forcément incomplète car faite d’impasses, de zigzags, de lignes brisées, de relations insoupçonnées… C’est dans cette invention permanente que je souhaite placer Musica. Pour ma génération (Stéphane Roth est né en 1981, NDLR), le mélange des partitions de compositeurs savants comme Pierre Boulez et de la noise, par exemple, est consubstantiel de l’expérience musicale. Si certaines strates ont été longtemps imperméables, elles sont désormais poreuses.

Le concert d’ouverture, My Greatest hits de l’Ensemble Ictus (20 & 21/09, Les Halles Citadelle) donne le ton. Marque-t-il aussi une volonté de retrouver l’ADN originel de Musica en jouant dans une friche industrielle ?
Ce n’est pas une question d’identité, car quelque chose d’essentiel se joue dans les marges : l’ouverture ne se fait pas au centre, mais dans les bordures. Cette soirée est un grand zapping anticipant les esthétiques que nous allons explorer dans les années à venir. Elle propose aussi une nouvelle dramaturgie de l’écoute avec des liquid rooms : le rituel du concert frontal qui contamine la perception de la musique vole en éclats, les spectateurs se déplaçant dans l’espace, allant d’une scène à l’autre, de manière fluide, pendant plus de trois heures.

La perception de la musique est centrale pour vous : quel est l’objectif de L’Académie des spectateurs que vous créez ?
L’enjeu est de renouveler une communauté de mélomanes – n’existant nulle part ailleurs – qui a grandi avec Musica. C’est pour cela que j’ai souhaité placer le public au cœur de mon projet, l’investissant dans le festival de mille manières possible, pas uniquement à travers des ateliers participatifs, mais grâce à des interventions sur le campus, des afters, etc. Cette année, ce ne sont que les premiers jalons…

Parmi eux, le Laboratoire de l’écoute, où chacun peut s’inscrire en ligne : en quoi consiste-t-il ?
Il vise à répondre à la question : « Comment écoutez-vous ? » L’écoute n’est pas quelque chose de pur, un processus dans lequel on absorbe une œuvre qui nous élève. Elle est contaminée par notre quotidien… Parfois on s’ennuie. Il faut le dire ! Ce laboratoire permettra, une véritable étude en profondeur des différents publics.
Une attention particulière est aussi laissée au jeune public avec les ateliers d’éveil “Mini Musica”…
Cette année, ce ne sont que quelques rendez- vous, mais dès 2020, je souhaite que Mini Musica devienne un festival pour les enfants de zéro à huit ans enchâssé dans Musica, un reflet de l’événement, dans tout son ambitus esthétique, permettant à un public très négligé dans la musique contemporaine de la découvrir.

Le festival propose un large panorama sonore avec notamment un grand classique, Einstein on the beach (27/09, PMC) dans un casting d’anthologie, où Suzanne Vega est narratrice…
Avant d’être un grand classique de la musique contemporaine, c’en est un du spectacle vivant des années 1970, figé dans l’image donnée par Bob Wilson. La musique de Philip Glass a presque été occultée alors qu’il s’agit d’une partition expérimentale parmi les plus abouties des cinquante dernières années.

Vous proposez aussi une soirée noise (26/09, Saint-Paul) qui fait figure de symbole du nouvel esprit irriguant le festival…
Ce concert est un véritable signal pour des auditeurs pour lesquels Musica peut représenter un outil institutionnel vertical, inaccessible et peu accueillant. C’est un message à toutes les scènes expérimentales pour leur dire : « Venez ! »

Selector : les coups de coeur de Poly
1. Les Situations de François Sarhan (20-27/09), représentations imprévues dans l’espace public, constituant un élément disruptif par rapport au quotidien de la ville.
2. L’Orchestre national de Metz présente Void, page sombre signée Rebecca Saunders (21/09, PMC), dont le festival programme plusieurs partitions.
3. Un portrait en trois étapes d’Hugues Dufourt (25 & 28 /09, Salle de la Bourse), figure majeure de la musique d’aujourd’hui.
4. Sonic Temple, vol. 1 Noise (26/09, Saint-Paul) pour faire voler les stéréotypes en éclats.
5. Peu vue en France, Jennifer Walshe propose For human and non-human beings (01/10, CMD), performance époustouflante.


À Strasbourg (mais aussi Ostwald et Bâle), du 20 septembre au 5 octobre
festivalmusica.fr

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