World cultures

Une partie de la collection de flèches / Photo de Omar Lenke / MKB

Dans une passionnante exposition intitulée La Quête du savoir rencontre la soif de collectionner, le Museum der Kulturen Basel questionne ses collections.

Fondé en 1893, le Museum der Kulturen Basel est aujourd’hui une des plus importantes institutions ethnographiques d’Europe, abritant plus de 300 000 objets. À travers une exposition commissionnée avec soin, il se penche sur les conditions de la constitution de son fonds au fil des ans, mais aussi sur l’évolution des formes de monstration : à l’entrée de la première salle, le visiteur est ainsi accueilli par un essaim de 289 flèches venues du monde entier (sur les quelque 7 600 que possède le musée). Cet arsenal oscille entre cabinet de curiosités du XIXe siècle et installation ayant toute sa place dans le white cube d’un centre d’art contemporain. Leur grand nombre illustre la soif d’accumulation qui fut à la base de la fondation du MKB, mais aussi un mode de présentation archaïque où le caractère local de chaque arme est nié, comme son éventuelle charge symbolique : en regroupant des pièces venues de cultures différentes, possédant des fonctions diverses, le regard occidental les indifférencie, renvoyant à une globalité guerrière et primitive.

Crâne de chef de tribu des Îles Salomon Photo de Omar Lenke / MKB

Salle après salle, d’autres interrogations apparaissent, montrant que certaines pièces, parties intégrantes d’une collection ethnographique hier sont devenues sensibles, aujourd’hui. La plus belle illustration en sont les collections de restes humains (os d’ancêtres de Papouasie, mais aussi crânes peints du XVIIIe siècle de la cité autrichienne de Hallstatt) aux fonctions cultuelles souvent toujours actuelles. Se pose la question de leur restitution : un focus est opéré sur le retour d’une tête maorie en Nouvelle-Zélande (2016), dont le musée a gardé trois moulages. L’exposition montre aussi la fascination morbide exercée par les trophées humains sur les Occidentaux : crâne dayak incisé de motifs symboliques (Bornéo) ou tsantsa – tête réduite jivaro (Équateur) aux yeux cousus et la bouche fermée avec des pitons en bois – font une impression saisissante. Tout le parcours est une invitation à la contemplation de pièces singulières – comme un Saint-Ignace baroque de Küssnacht am Rigi, squelette orné de vêtements précieux ou une “maison des crânes” des îles Salomon – mais surtout à la réflexion. Comment percevons-nous de délicats netsukes d’ivoire (sculptures souvent animalières servant à attacher des bourses aux ceintures des kimonos) à l’heure où le commerce de cette substance est interdit ? Les messages véhiculés par des mannequins “typiques” réduisant des groupes ethniques, comme les Hereros de Namibie, à de simples stéréotypes sont-ils encore supportables ? C’est dans de tels questionnements, au-delà de son aspect esthétique indéniable, que cette présentation est essentielle.

 


Au Museum der Kulturen Basel, jusqu’au 19 janvier 2020

mkb.ch

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