Références à Vélasquez, la mythologie grecque ou au peintre et son modèle : zoom sur une fidèle complicité avec les Estampes d’amitié offertes par Pablo Picasso à l’intellectuel Jaime Sabartés.
Dans une Espagne placée sous le joug autoritaire de Franco, Picasso et Sabartés créent, en 1963, le musée barcelonais dédié à l’artiste à la marinière. Cette institution est le dernier chapitre d’un roman, d’une belle histoire artistico-amicale. Disparu il y a un demi-siècle, Jaime, né la même année que Pablo (1881), s’est largement fait croquer, caricaturer, dessiner, voire picturalement railler par le maître, depuis 1900, date de son premier portrait, et six décennies durant. Fernet-Branca expose une aventure humaine et plastique entre un immense artiste, éternel Casanova, et celui qui devint son secrétaire personnel de 1935 jusqu’à la fin de sa vie en 1968. Pierre-Jean Sugier, directeur de la Fondation, évoque « une relation précieuse » liant deux hommes s’étant rencontrés lors de leurs études à l’école des Beaux- Arts de Barcelone. Lorsque Picasso se sent perdu, pris dans les méandres de péripéties sentimentales et autres affres notariales, il va trouver en son ami de toujours un confident de choix et un solide appui qu’il convie chez lui, à Paris. « Depuis ce jour, ma vie reste dans le sillage de la sienne », écrit alors Sabartés que Picasso peindra en Faune jouant de l’aulos (1946) ou dessinera au crayon gras, l’air lubrique, aux pieds d’aguichantes pin-ups arrachées à des pages de magazine people en une série de Compositions humoristiques olé- olé (1957).
Pour Emmanuel Guigon, directeur du Museu Picasso, ces compos pop sont une infime partie de la correspondance (environ 900 lettres) du plasticien à son ami littéralement « fasciné, presque “amoureux” » de celui qui lui offrira un tirage dédicacé de près de 2 000 de ses estampes ! Sabartés les collectionne dans l’espoir de les exposer un jour en un lieu portant le nom de son ami « qui se montrait ouvertement hostile au régime de Franco », souligne Emmanuel Guigon. Dans les salles de la fondation de Saint-Louis, le visiteur croise le regard lithographique de Jacqueline ou de Françoise, de face ou de profil. Il rencontre Bacchus, des centaures ou faunes musiciens, des circassiens très coquins, de sages hiboux aux grands yeux, des écuyères mêlant aquatinte et eau-forte, des Ménines et des Bleus de Barcelone (1963) : douze aquarelles et pastels édités (à 540 exemplaires) sous forme de portfolio en coffret XL dont la préface est de Jaime Sabartés, comme bien d’autres livres d’artistes de Pablo qui passa sa vie à créer, sans relâche. « Et à se distraire auprès des femmes qui passaient par là », précise le directeur d’un musée hanté par « l’âme » du peintre hyper prolixe.
À la Fondation Fernet-Branca (Saint-Louis), jusqu’au 29 septembre
fondationfernet-branca.org