Back in the woods
Une dizaine de comédiens réunis autour de Serge Lipszyc renouent avec leur amour du théâtre en autoproduisant Sauvage, pièce méconnue d’Anton Tchekhov, en pleine forêt vosgienne, dans le domaine familial du Guensthal.
De l’utopie dans l’air. De la vraie, celle qui attrape aux tripes et empêche tout autre mouvement que celui d’une mise en œuvre, à rebours des carcans habituels et des montagnes à gravir. Sauvage est né lors d’un atelier sur L’Homme des bois, donné par le metteur en scène Serge Lipszyc dans ce qui s’appelait encore La Comédie de l’Est. Il s’y passe quelque chose, l’équipe ne veut pas en rester là. « Le désir des acteurs était fort, celui d’un rêve artistique prenant les atours d’une aventure humaine » raconte Yann Siptrott qui propose de donner vie au projet dans « un espace magique en pleine forêt vosgienne, le Guensthal. » Depuis 30 ans, ses parents, sculpteurs réputés, y développent un lieu conçu comme une œuvre d’art évolutive. Vie et art s’y nourrissent l’un l’autre. « Un cadre idéal pour Sauvage, souvent décrit à tort comme un simple brouillon d’Oncle Vania » affirme Serge. « Tchekhov y questionne le vivre ensemble, le lien avec la nature avec des personnages truculents et débordant de vie qu’il effacera et condensera dans Vania. Même lui, avec son suicide manqué qui l’oblige à vivre n’a pas la force de Mikhaïl Khrouchtchev, le sauvage aux origines modestes ayant fait des études de médecine, qui ne se ratera pas ! » Dans un décor naturel se croquera cette bourgeoisie de campagne avec ses mesquineries, son ennui légendaire, son hypocrisie et la vacuité de son existence. Les spectateurs participent à la garden party du premier acte au milieu des comédiens, en lisière de forêt, qui s’inventera avec la première. Quelques mètres plus loin se noueront les deux actes suivant avant une pause repas avec l’équipe. Direction l’étang voisin pour le dernier acte, la lumière suivant la course du soleil déclinant d’été et le besoin de reconstruction après l’implosion collective précédente. Serge Lipszyc, qui a souvent travaillé Oncle Vania et L’Homme des bois sait « intimement que Tchekhov doit se jouer en proximité totale et surtout pas dans une grand-messe. Ici, les gens ne travaillent pas, sont englués dans leur vie et leurs solitudes respectives. Mais ils n’en demeurent pas moins lucides et drôles, renvoyant une image sidérante au public. Ils s’emmerdent et l’on sait que l’ennui n’est pas chose facile au théâtre. Heureusement, ils font don d’eux-mêmes et j’espère qu’on pourra voir à travers chacun des êtres humains de cette pièce une délicatesse, un besoin d’amour malgré la difficulté à dire. »
Dans la Vallée de la Faveur, Guensthal n°3 (Windstein), du 21 au 23 et du 28 au 30 juin
compagniedumatamore.fr
> Soirée avec spectacle et assiette sauvage inclue, apéro offert et autres surprises. En cas de pluie, représentation en salle, sur le site