Ultra moderne Beethoven
L’Orchestre philharmonique de Strasbourg a proposé un projet fou et passionnant à Inga Kazantseva : interpréter, en dix concerts, dans des lieux insolites, l’intégralité des Sonates pour piano de Beethoven.
Le cycle initié par l’OPS est pharaonique : présenter, en dix étapes, un ensemble de 32 Sonates – 101 mouvements et 620 pages – formant une autobiographie en musique, des premières pièces post-haydniennes aux expérimentations sonores de l’Opus 111. « Il existe peu d’exemples dans l’histoire, que l’on pourrait comparer avec cette vaste entreprise. Peut-être les Quatuors à cordes du même Beethoven… Au sein de cet ensemble cohérent, chaque composante a néanmoins son identité propre, son autonomie par rapport aux autres », explique la pianiste russe Inga Kazantseva qui a relevé un défi jalonné de Sonates très connues (Appassionata, Waldstein ou le monstre qu’est la Hammerklavier) et de perles. L’organisation générale de cette épopée en dix stations est d’essence chronologique afin « d’illustrer l’évolution de l’écriture du compositeur. Je souhaitais aussi que chaque programme s’articule autour d’une pièce centrale, clairement identifiable par le public, tout en respectant une cohérence de style, voire d’harmonie, entre les Sonates. Enfin, il a fallu prendre en compte des contraintes supplémentaires : durée du programme, et surtout taille et ambiance des salles » précise la pianiste.
Voilà justement la profonde originalité de l’intégrale strasbourgeoise où la musique classique sort de son cadre naturel et policé (la salle de concert) pour essaimer dans toute la cité, du Café des Anges à l’ENA en passant par la Friche Laiterie, à des horaires, eux aussi, parfois insolites : « Un concert à 19h, à La Salamandre peut être une manière originale de débuter une soirée pour un étudiant. Un concert de 21h30, peut tout autant faire office de “digestif” à un bon repas que de prélude à une folle nuit », explique Patrick Minard, directeur général de l’Orchestre. Cette intégrale s’insère (comme le récent concert de 12h30 à L’Aubette) dans la politique générale de l’OPS qui consiste à multiplier, pour le plus grand nombre, les occasions de rencontre avec le répertoire qu’il défend. Et qui mieux que Beethoven pouvait se prêter à cet exercice ? « Personne » selon Inga Kazantseva : « C’était impossible avec Bach – trop solennel – ou Chopin – trop délicat – par exemple. Il faut quelqu’un qui parle à tout le monde, un créateur profondément moderne, qui prenne le risque des contrastes extrêmes. »
[Box] À Strasbourg, dans différents lieux (La Salamandre, l’ÉNA, Le Camionneur, la Friche Laiterie…) du 10 avril au 19 juin
03 69 06 37 06 – www.philharmonique.strasbourg.eu [/Box]