Le Frère de l’Ogre
Avec L’Ogre et le chevalier paraît le premier opus d’un diptyque en bande dessinée faisant découvrir au lecteur le très méconnu Frère de Göring.
Dans la famille Göring, je demande le frère. Albert est resté dans l’ombre de l’Histoire, éclipsé par son diabolique parent. Cette destinée a intéressé Arnaud Le Gouëfflec (musicien, romancier, mais également scénariste à qui l’on doit notamment l’excellent Chanteur sans nom où il exhume également un personnage mal connu du XXe siècle) qui a choisi de placer en exergue de son album une opportune citation extraite du Roi des Aulnes de Michel Tournier. Tout débute le 9 mai 1945 : un type moustachu coiffé d’un chapeau, un genre de petit employé insignifiant qu’on dirait sorti d’un roman de Kafka, s’adresse à un policier militaire américain, désirant se constituer prisonnier. Devant un soldat incrédule, il décline son identité : Albert Göring, frère du célébrissime Reichsmarschall. Interrogé par le major Paul Kubala plus que dubitatif (en fait, il ne croit rien de ce qui lui raconte et pense qu’il a devant lui un menteur patenté), il narre son existence, celle d’un homme qui a utilisé son nom pour lutter contre les nazis. Un chevalier qui s’est opposé à son ogre de frère… Mais est-ce biens son frère biologique puisqu’Albert serait plutôt le fils du chevalier Hermann Epenstein, son parrain d’origine… juive ! Ce qui ferait de lui un juif selon les lois raciales du Troisième Reich. Entre scènes d’interrogatoire et flashbacks, cet album intelligemment construit montre un prisonnier tentant de prouver son innocence, montrant qu’il a sauvé des juifs et s’est opposé aux agissement violents de membres de la SA assoiffés de haine. Cette trajectoire est mise en images de manière réaliste et efficace par Steven Lejeune que l’on connaissait jusque là essentiellement pour la série d’anticipation Trop de bonheur.