Ambiance cabaret obscur et déglingos à l’occasion de The Ballad of sexual dependency, diaporama de Nan Goldin mis en musique par The Tiger Lillies à L’Arsenal de Metz. Une rencontre musicalo-photographique des plus évidentes.
Dès son arrivée à New York en 1978, après ses études aux Beaux-Arts de Boston, l’Américaine se frotte au punk – ses photos trahissant une évidente urgence “No Future” –, écoute en boucle la playlist de ses potes drag queens (Comme ils disent d’Aznavour…) et découvre la no wave (Lydia Lunch…) des clubs underground. C’est en ces lieux que Nan met au point les premiers diaporamas musicaux (ou slide shows), procédé qu’elle développera sa vie durant, utilisant Fais-moi mal, Johnny de Vian ou des extraits de L’Opéra de quat’sous de Brecht. En 2001, elle proposa notamment, au Centre Pompidou, l’enchaînement de 245 clichés couleur rassemblés sous le nom de Heartbeat et accompagnés par la voix cristalline de Björk. Le sujet principal : le sexe, traité de manière crue, mais avec une réelle tendresse envers les protagonistes.
Elle-même accro à la drogue (avant sa rehab), la célèbre photographe est très vite devenue le témoin n°1 des déambulations des junkies, des trans et travelos (représentants du « troisième sexe » selon elle), des laissés pour compte et âmes en peine, afin de « documenter » sa vie. Cette faune nocturne fait partie de sa famille, aussi large et marginale soit-elle. Dans un rapport de connivence avec les modèles, essentiel à son travail de captation de l’intime, elle immortalise ses proches avec ce projet : parler de la condition humaine. Rapidement, Nan Goldin se penche sur l’idée de dépendance sexuelle : « Pourquoi le besoin d’être deux est-il si fort ? » se questionne-t-elle, notamment au travers de sa Ballad of sexual dependency, série évolutive depuis 1981.
Dès 2009, The Tiger Lillies joue en direct durant la projection en diaporama de la Ballad. La musique du trio londonien ? Une plongée dans une partition de Kurt Weill, une virée dans une gravure d’Otto Dix ou un portrait de travesti peint par Christian Schad, une escapade dans un bordel berlinois ou un cabaret de la République de Weimar. Accoutrés et maquillés comme Klaus Nomi, un chapeau melon vissé sur la tête, les auteurs de Heroin and Cocain décrivent un monde sombre et mélancolique. Le chant strident très haut perché, la scie musicale qui sanglote, le piano triste, la contrebasse, l’accordéon… et les images de Goldin. Des couples affalés sur des lits (et il y en a beaucoup, de lits…), un type empoignant un flingue, Nan Goldin herself, s’affichant avec les yeux au beurre noir. Des baisers et des étreintes, des rires, des silences et des pleurs, des pauses lascives. De la dope, de l’alcool, des armes à feu… et d’innombrables jeux de miroir. I’ll be your mirror dit la chanson du Velvet et Nan Goldin lorsqu’elle affirme chercher, toujours, à « montrer la beauté et la vulnérabilité de [s]es amis ».
Par Emmanuel Dosda
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