Du beau, du bon, du Bonnard
Une soixantaine de toiles de Pierre Bonnard (1867-1947) sont regroupées à la Fondation Beyeler pour un parcours thématique au sein de l’œuvre du peintre français qui fut un des maîtres de la couleur.
Très jeune, Pierre Bonnard appartint, avec notamment Maurice Denis et Édouard Vuillard, au groupe des Nabis (“prophètes” ou “inspirés” en hébreu), fondé autour de Paul Sérusier en 1888. Le credo du mouvement ? Se libérer de la représentation naturaliste du monde et faire voler en éclats tout académisme. Larges aplats, recherches chromatiques et formelles aboutissant souvent à des associations inattendues : voilà les caractéristiques majeures de l’art d’un créateur qui fut surnommé “le Nabi très japonard”. Malgré ce lien initial étroit, puis des incursions vers le post-impressionnisme et le symbolisme et des toiles tardives qui tendent vers une surprenante abstraction, jamais l’œuvre de Pierre Bonnard n’a pu se résumer à une étiquette, si ce n’est celle d’un “autre art moderne” figuratif. Son seul maître ? Le tableau. « Le principal sujet, c’est la surface qui a sa couleur, ses lois, par-dessus les objets. On parle toujours de la soumission devant la nature. Il y a aussi la soumission devant le tableau » affirmait un peintre qui, sans cesse, remettait ses compositions sur l’ouvrage.
À la Fondation Beyeler, le visiteur découvre un univers empli d’une exubérante explosion chromatique, un univers très éloigné de l’image qui prévalait jusqu’à la fameuse exposition / réhabilitation de 1984 du Centre Pompidou, celle d’un artiste – et grand bourgeois – superficiel et inoffensif. Chez lui, l’indolence n’est qu’apparence : derrière l’harmonie paisible, on perçoit clairement, dans une série de subtiles dissonances, une inquiétude existentielle ne se résumant pas à la description de la fin d’un monde dont la disparition est annoncée par Renoir dans La Grande illusion. Le constat est manifeste dans une présentation imaginée comme une “maison imaginaire” où les toiles sont regroupées de manière thématique (La rue, La salle à manger, Le miroir, Le grand jardin, etc.). Dans ce vaste ensemble, un accent particulier est mis sur le nu, qui fut une des grandes préoccupations de Bonnard, avec des toiles comme L’Homme et la Femme (1900) ou de célèbres scènes de bains pleines d’une aristocratique nonchalance qui ne sont malgré tout jamais dénuées de gravité… Comme un fulgurant résumé des inquiétudes de l’artiste.
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