Melancholia
Opus 36 suspendu, onirique et un brin désabusé pour Jeremiah saga culte signée Hermann, dont l’atmosphère est fort joliment résumée par son titre : Et puis merde.
Motos cramées au cours de la nuit, Jeremiah et Kurdy se retrouvent piétons. Qui plus est pourchassés par un milicien opiniâtre. Nos deux héros ont la fuite pour unique salut, débarquant dans une propriété étrange, entre rêve psychédélique cool d’un architecte des seventies et refuge d’une secte de dingues. Au fil des albums, la saga imaginée par Hermann à la fin des années 1970 – La Nuit des rapaces, premier opus paraissait en 1979 – prend des allures de réflexion suspendue, habilement perchée, sur la condition humaine où les répliques cinglantes succèdent aux propos cyniques, comme si l’auteur était de plus en plus désabusé ! Et puis merde, titre de ce volume, vient corroborer telle analyse. Couleurs oniriques (un sublime gris aqueux ou un prune aux allures maléfiques), scénario fuligineux – dont les ellipses possèdent une séduisante dimension beckettienne –, personnages mystérieux (une jeune fille lunaire et muette surveillée comme le plus grand des trésors par une armada de gardes surarmés) ou retrouvés (le génétiquement modifié Cousin Lindford fait son come-back) : si l’on veut bien se plonger dans ses arcanes complexes, ce Jeremiah est un grand cru nimbé d’une puissante mélancolie.