Les rois dansent

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Depuis 2007, Peter Knogl officie au piano du Cheval blanc, à Bâle. En quelques années, le discret chef bavarois a propulsé l’hôtel des Trois Rois parmi les étoiles de la gastronomie européenne.

Son mentor se nomme Heinz Winkler : alors tout jeune commis au Tantris de Munich dans les années 1980, le pape de la haute gastronomie allemande lui apprend « à ne faire aucun compromis avec le produit ». Cette ligne de conduite habite Peter Knogl depuis le début de sa carrière, le menant au sommet de son art. Trois Étoiles au Guide Michelin en poche depuis 2015 au Cheval Blanc – restaurant du palace bâlois Les Trois Rois ainsi nommé par référence au légendaire Saint-Émilion – ce souriant colosse prend pour fondement la gastronomie française : « La cuisine est comme la musique. Le classique survivra toujours, le reste n’est souvent qu’une affaire de mode », sourit-il. Le virtuose piquète cette tradition de touches asiatiques et méditerranéennes. Il est vrai que l’Espagne est son « pays de cœur. Je trouve souvent l’inspiration pour créer de nouveaux plats sur le marché aux poissons de Barcelone », confie-t-il. Illustration avec l’évidente alliance du bar de ligne et du chorizo, escapade équilibrée en terre ibère qui nous laissa pantois, montrant que des merveilles jaillissent d’une cuisine de poche, une des plus petites qu’il nous ait été donné de voir !

Portrait de Stéphane Louis pour Poly

« Cette salle à manger apparaissait nue, emplie de soleil vert comme l’eau d’une piscine », écrivait Marcel Proust dans À L’ombre des jeunes filles en fleurs1. C’est un sentiment d’essence similaire qui nous étreint en entrant dans une pièce intime, hors du temps, dont les amples baies vitrées permettent une intense rêverie nourrie par les eaux paisibles du Rhin qui coulent, irréelles, en contrebas. Voilà un cadre idyllique respirant la perfection d’une autre époque pour une odyssée gastronomique accompagnée de vins surprenants, comme un Chardonnay des Grisons de Francisca et Christian Obrecht2. Aérien, ciselé et tendu à l’extrême, il entre en résonance avec un carabinero au citron valsant avec décontraction avec une pincée d’algues. Mais le point d’orgue du repas est un des “plats signature” de Peter Knogl, un invraisemblable pigeon de Bresse et sa douce mousseline de carottes : le poivre de Tasmanie joue à cache-cache avec des épices marocaines et des réminiscences de cèpes dans une sauce – un art dans lequel le chef excelle – à tomber par terre. Il faudra toute l’acidité maîtrisée d’une pomme verte, trompe-l’œil presque parfait à l’allure de Granny Smith rempli d’un yaourt à la verveine, pour revenir à soi.


Le restaurant Cheval blanc se trouve dans l’Hôtel Les Trois Rois, Blumenrain 8 à Bâle. Ouvert du mardi au samedi. Menus de 210 à 235 CHF
lestroisrois.com

1 L’écrivain évoque le Grand Hôtel de Cabourg, cité nommée Balbec dans À la recherche du temps perdu
2 Ils sont à la tête de l’extraordinaire domaine Zur Sonne situé à Jenins et cultivé en biodynamie – obrecht.ch

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