Move on up
Exposition XXL au ZKM avec Art in Motion : 100 pièces maîtresses s’étirant en rhizomes pour une vue panoramique des mutations du mouvement dans l’art.
Commissaire de cette exposition avec Siegfried Zielinski, Peter Weibel n’est pas homme à faire les choses à moitié. Lorsqu’il s’intéresse au mouvement, il part de zootropes de l’époque victorienne où des images fixes étaient déplacées sur un axe pour créer, par illusion d’optique l’impression d’un film, pour arriver à des œuvres interactives où le regardeur, par son déplacement, modifie et compose l’œuvre en direct. Ainsi en est- il d’Akousmaflore de Scenocosme, plantes suspendues dans l’espace qui, lorsqu’on les touche ou les entoure de ses mains, créent des sons naturels affectés par l’intensité et la durée des caresses. Il faudra plusieurs visites au ZKM pour faire le tour des 425 pièces présentées dans cette exposition. Prendre le temps de s’immerger dans la flopée de films expérimentaux (du Chien Andalou de Luis Buñuel et Salvador Dalí à ceux de Name June Paik avec ses robots) ou de jouer du Stick Board inventé par le ZKM pour passer selon ses envies d’une projection à une autre dans l’instant, parmi un choix dantesque. Se découvrent les tentatives de productions d’œuvres par des artistes qui n’auront eu de cesse de s’emparer des dernières technologies développées par la science pour modifier le temps, produire de l’ubiquité et de l’interactivité, inventer de nouvelles réalités où le virtuel n’est plus ce que l’on croit. Les visiteurs les plus jeunes découvriront une archéologie des médiums, d’époques pas si lointaines où, par exemple, Sony avec son Portapak, sonna la fin des bobines à faire développer dans les caméras et permit, de facto, une liberté sans pareille dans les sixties et le développement de l’art vidéo à grande échelle. Ce concentré d’innovations successives mène des premiers instruments produisant de la musique automatiquement (par le mouvement de l’eau grâce à un agencement de bassins remplis par un moulin activant une flûte, à Bagdad au XVIIIe), à l’utilisation du téléphone pour produire une œuvre dont les informations sont dictées dans le combiné, à la téléprésence transmise par satellite, la cybernétique ou l’utilisation des algorithmes. Avec Tetsuo, Bound to Fail, Sergio Prego reproduit l’effet Matrix grâce à un dispositif circulaire de caméras captant une même scène. Ainsi la juxtaposition d’images saisies simultanément tout autour du sujet
(un saut, une explosion ou de la peinture jetée sur lui) crée un tournoiement en spirale à 360° du plus bel effet. Il en va de même pour la vidéo Six Points de Yeondoo Jung résultant de centaines de photographies prises dans six quartiers de New York. Combinées par ordinateurs, elles donnent une vidéo limpide dans laquelle seules les ombres des individus bougent alors même que nous progressons de manière linéaire dans la rue. Une vision d’un monde où tout est possible, même ce que l’on n’imagine pas encore.
Au ZKM (Karlsruhe), jusqu’au 10 février 2019
zkm.de