La battante
Fatoumata Diawara a Quelque chose à dire* ! Interview avec une chanteuse malienne placée sous les feux de la rampe grâce au projet Lamomali de Mathieu Chedid et aujourd’hui tête d’affiche du Zeltival.
Pouvez-vous imaginer un monde sans musique ?
Non, elle est fondamentale ! Lorsque les islamistes ont débarqué au Nord du Mali, avant l’intervention de la France, en 2012, j’ai arrêté ma tournée pour aller m’insurger sur place contre la loi interdisant la musique. J’ai participé, avec 75 artistes, à une chanson de protestation ! C’est elle qui fait tenir la jeunesse et la fait sourire. Le bonheur se niche chez Ali Farka Touré ou Salif Keïta : ils soignent les maux et sont la voix de Dieu auprès des gens ! La musique guérit, c’est un hôpital. Elle fait battre les cœurs à l’unisson.
En France, on chante l’amour ou l’amitié, alors que ça semble impossible en Afrique où chaque artiste est très attaché à la notion d’engagement…
Si nous laissons la main à nos dirigeants, nous sommes foutus. Salif Keïta rassemble bien plus de monde que le Président ! Nous utilisons cette arme pour aborder des thèmes comme l’excision et faire de la politique afin que la société avance dans le bon sens. Chanter l’amour alors que personne ne se bat pour le développement du pays ? Impossible !
Vous pensez que les Africains ne sont pas assez fiers de ce qu’ils sont et de leur histoire ?
Depuis cinq ans, grâce aux réseaux sociaux, les Africains commencent à ressentir un sentiment d’unité et à assumer leur identité. L’époque où les femmes se lissaient les cheveux semble enfin révolue ! Je porte des dreadlocks pour m’affirmer : l’autre doit m’accepter comme je suis, noire de peau. Pourquoi vouloir uniformiser le monde alors que la nature est multicolore et diversifiée. Aime l’autre, il est ton miroir et son sang est rouge comme le tien !
La magnifique tenue que vous portez sur la pochette de votre album est-elle traditionnelle ?
Oui, c’est une tunique éthiopienne adaptée à mes goûts. Je suis éthiopienne, kenyane ou marocaine, je suis l’Afrique ! La photo a été prise sur le site de Hadar, lieu mythique où le squelette de la première femme a été trouvé. L’Afrique, c’est la vie, même au Mali à l’heure actuelle. Je veux parler de nos problèmes, mais sans me plaindre comme la génération de mes parents. Je ne veux pas qu’on me materne, je suis une battante !
* Fenfo (Something to say), édité par Wagram music
fatoumatadiawara.com
Au Fort Kléber (Wolfisheim), jeudi 28 juin dans le cadre du festival Wolfijazz (27/06-01/07, voir Poly n°210)
wolfijazz.com
Au Tollhaus (Karlsruhe), vendredi 29 juin dans le cadre du Zeltival (29/06-05/08),
avec un important focus sur l’Afrique, mais aussi Jeff Beck, Ziggy Marley, Shantel & Bucovina Club Orkestar, Calexico, Melody Gardot, Mélissa Laveaux ou Morcheeba
tollhaus.de
Au Parc de la Pépinière (Nancy), vendredi 12 octobre dans le cadre de Nancy Jazz Pulsations (12-20/10)
nancyjazzpulsations.com