Salauds de pauvres
Dans Nénesse, un quatuor d’acteurs dirigé par Jean-Louis Martinelli s’empare de la scène de La Manufacture, plongeant le public dans une farce politique jubilatoire.
Diminué par un accident vasculaire cérébral, Nénesse, un ancien légionnaire, vit avec sa compagne Gina, au chômage. Afin de payer leurs impôts, ils décident d’installer un préfabriqué dans leur appartement et de le louer à deux sans-papiers pour 500 € par mois. Voilà le pitch d’une pièce terriblement cocasse mise en scène par Jean-Louis Martinelli qui s’attaque, une nouvelle fois, aux mots d’Aziz Chouaki, un auteur qu’il a découvert lorsqu’il dirigeait le Théâtre national de Strasbourg dont l’écriture coup de poing déride les zygomatiques avec poésie et provocation. « La pièce regroupe tous les maux qui nous occupent, mais l’objectif est d’en faire une farce. Oui, les pauvres peuvent s’enrichir sur le dos des pauvres. Nénesse est une espèce de bouffon. Il a installé un container dans son appartement pour le louer à des sans-papiers et, bien sûr, l’histoire tourne mal », explique Jean-Louis Martinelli. Ce qui l’intéresse « est de mettre chacun face à ses propres ambiguïtés et à ses fermetures. Je crois qu’aujourd’hui le rire est extrêmement nécessaire. Il concentre toute la vitalité du théâtre et nous sauve du misérabilisme. Un auteur comme Aziz Chouaki nous renvoie à nous-mêmes dans un éclat de rire moquant nos travers. »
Autour du personnage de « réactionnaire radical » de Nénesse, interprété par Olivier Marchal, Christine Citti est Gina, jadis amoureuse de lui, aujourd’hui condamnée aux petits boulots pour tenter d’assurer le quotidien. Hammou Gaïa incarne Goran, ancien boxeur, migrant en route pour Calais, tandis que Geoffroy Thiebaut tient le rôle d’Aurélien, devenu sans-papier faute d’avoir pu fournir l’acte de naissance de son père ayant fui la Russie de Staline. « C’est rare de rencontrer un quatuor d’acteurs comme celui-là. J’éprouve un réel plaisir à les mettre en scène, à les voir exercer leur art et à observer la jubilation du texte qui s’opère. C’est la raison pour laquelle j’ai eu envie de monter ce texte, pour purger nos passions, pour aller regarder là où cela ne nous intéresse pas forcément. Nénesse a un côté fracassé. Il est un personnage en survie qui se raconte des histoires pour supporter le peu qui lui reste à vivre. Avec Gina, ce sont des “sans-dents”. Ils appartiennent à cette France que l’on ne veut pas voir », conclut Jean-Louis Martinelli.