Maîtres anciens

Le Jugement de Salomon, 2013 © Abbaye des Prémontrés

Avec (Re)naissances, l’artiste alsacien Pierre Gangloff investit l’Abbaye des Prémontrés : quelque cinquante peintures, dessins et gravures invitent à un voyage entre hier et aujourd’hui.

«Si on peut le dire, pourquoi s’embêter à le peindre ? » Pierre Gangloff nous accueille avec la célèbre phrase de Francis Bacon, belle définition de son credo et clef d’entrée dans un univers où, bien souvent, les corps rappellent curieusement la solitude métaphysique des œuvres du Britannique. Au fil des années, des médiums (allant de la cendre à la terre, en passant par les traditionnels acryliques ou huiles) et des supports – « Jamais de toile ! Trop molle et exible, mais des matières qui résistent, papier, bois, acier rouillé… » –, il a tissé des liens étroits avec de grands textes (L’Énéide, La Divine comédie…) et l’histoire de la peinture, dialoguant dans ses compositions avec Rubens, Grünewald, Géricault (Le Radeau de la Méduse l’obsède), Lodovico Carracci et sa saisissante Flagellation de 1590, Delacroix ou encore Poussin. « Je me suis forgé à leur contact », explique ce complet autodidacte : « Arpenter le Louvre, il n’y a pas mieux pour vous fouetter les sens et l’esprit. » Comme certains compositeurs, il extrait un fragment d’une toile préexistante, le fait passer par un processus de décontextualisation / recontextualisation pour qu’il renaisse sous une autre forme. Du “modèle” on retrouve une élégante réminiscence picturale, une trace transfigurée.

Depuis longtemps, Pierre Gangloff a délaissé les murs immaculés du white cube des galeries pour s’emparer d’endroits où le passé s’est stratifié. Il affectionne les surfaces d’exposition pleines d’aspérités qui entrent en résonance avec celles de ses œuvres : « Le lieu de l’accrochage est primordial, il faut que quelque chose se passe entre l’espace et le tableau », explique-t-il. Dans l’Abbaye, le visiteur croise des figures bibliques (un vibrant et inquiétant Jugement de Salomon), des personnages mythologiques (séduisantes Amazones dont les “marges symphoniques” sont emplies de personnages jaillissant du néant comme dans les eaux-fortes de Félix Buhot) ou des héros historiques. À cette dernière catégorie appartient Léonidas aux Thermopyles : dans la composition du peintre installé à Reichshoffen, on reconnaît bien celle de la célèbre toile de David, mais tel un alchimiste il a transmuté la rigide peinture d’histoire en étonnante évanescence, lui (re)donnant vie d’une nouvelle manière.

 À l’Abbaye des Prémontrés (Pont-à-Mousson), jusqu’au 15 avril

abbaye-premontres.com

Pierre Gangloff exposera d’autres œuvres par la suite à la Forteresse de Châtel-sur- Moselle (01/09-01/11) et au Musée du Pays de Hanau de Bouxwiller (12/09-12/11)

pierre-gangloff.fr 

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