Violent playground

Jean-Michel Basquiat, 1981 © Licensed by Artestar, New York

Replacer Jean-Michel Basquiat dans un contexte culturel plus large : tel est l’objet de Boom for Real, ambitieuse exposition présentée à Francfort.

Une centaine de pièces pour retracer une trajectoire météorique. Existence brisée, un jour de 1988, à 27 printemps. Overdose. Même pas dix ans de carrière. Il est paradoxal de découvrir des œuvres nées dans (et de) la rue sur les cimaises immaculées d’un musée. Une exposition consacrée à Jean-Michel Basquiat ressemble néanmoins toujours à un coup de poing à l’estomac. Organisée thématiquement, celle-ci – réalisée en coopération avec le Barbican Centre de Londres – met en lumière le contexte dans lequel ses travaux ont vu le jour et comment ils ont été reçus. À côté des toiles se découvrent en effet dessins, carnets de notes, films, photographies signées Henry Flynt des graffs politiques réalisés à la fin des seventies avec Al Diaz sous le pseudo SAMO© ou encore musiques comme l’album hip-hop Beat Bop qu’il a produit en 1983 sur son label Tartown avec K-Rob et Rammellzee. Tout cela rappelle que l’artiste ne fut pas que peintre, mais aussi performer, acteur, poète, DJ ou musicien, jouant de la clarinette et du synthé au sein de Gray. Le visiteur plonge ainsi dans une époque et un univers : la scène underground post-punk de Lower Manhattan.

Rammellzee vs. K-Rob par Jean- Michel Basquiat, ‘Beat Bop’ 1983, Vinyl record and slip cover, Collec- tion de Jennifer Von Holstein © VG Bild-Kunst Bonn, 2018 & The Estate of Jean-Michel Basquiat, Licensed by Artestar, New York

De (très) grands formats grouillants de créatures squelettiques et grimaçantes, des frigos peints (Fun Fridge, 1982), des toiles rafistolées, des planches de palissade comme support ou alors un morceau de métal de plus de deux mètres où est inscrit, à la bombe, « NEWYORK NEWAVE » (ici montré pour la première fois depuis 1980), le génial King Zulu (1986) où éclate son amour de la zik : Basquiat s’empare d’un matériau brut pour créer une imagerie qu’on croirait sortie d’un cauchemar d’enfant. Derrière cette mythologie urbaine criarde pointe une violente attaque contre l’univers bourgeois, même s’il fut rapidement reconnu par le monde de l’Art, sous l’impulsion notamment de son ami Andy Warhol (avec qui il bossa dans des œuvres à quatre mains comme Arm and Hammer II où se côtoient leurs deux esthétiques). Ne fut-il pas, par exemple, le plus jeune participant à la Documenta de Kassel en 1982 aux côtés de Joseph Beuys, Anselm Kiefer, Gerhard Richter et Cy Twombly ? Basquiat récupéré ? Peut- être. Même si sa puissance de feu ironique et sa pulsation vitale rendent à jamais cette fascinante figure de l’underground… irrécupérable.

 À la Schirn Kunsthalle (Francfort-sur-le-Main), jusqu’au 27 mai
schirn.de 

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