Le jeu de l’amour et du hasard
Subtil marivaudage contemporain, le dernier opus de Martin Veyron, Marivaudevilles de jour, est un immense plan-séquence graphique où les histoires (d’amour) se croisent et s’entrecroisent.
Les toits de Paris : une fille se lève, interloquée. Enfile un jean et se précipite hors de la chambre. Un type dort sur le canapé. Ont-ils fait l’amour, la nuit passée ? Elle ne sait plus… Voilà la première scène d’une bande dessinée qui en compte de multiples, rassemble une nuée de personnages et ressemble à un immense plan-séquence. Le lecteur suit à la trace un mec, plutôt lourd (à tous les sens du terme), branchant une brunette à la terrasse d’un café. À la table voisine, un autre couple parle d’argent… On quitte le dragueur et sa victime pour écouter quelques instants ces derniers, jusqu’à ce que le crayon agile de Martin Veyron accompagne un type qui passe, le téléphone vissé à l’oreille. Avec ses Marivaudevilles – mot-valise composé de “Marivaux” et de “vaudeville” – le créateur de Bernard Lermite propose de minuscules tranches de vie amoureuses, captant avec finesse l’air du temps. Dans une zone improbable, entre socio’ et Cosmo’ il saute avec un brio extrême d’un couple à l’autre, d’une humeur à l’autre. Dans la légèreté de ces saynètes, c’est le suc de nos existences qu’il croque… impitoyablement. Un grand Veyron qui rappelle ses meilleures heures, celles de L’Amour propre en tête. Si l’album est annoncé comme un one shot, on attend évidemment une suite possible – presque évidente – qui serait logiquement intitulée Marivaudevilles de nuit.