Laisse béton
Béton brut de chez brut du sol au plafond et plan à la complexité d’un rubik’s cube : visite dans l’ascétique logement de Dominique Coulon est un véritable manifeste architectural.
Si vous avez la chance d’être invités chez l’archi-primé Dominique Coulon1, personnalité strasbourgeoise qui « compte parmi les architectes les plus créatifs de France » selon le magazine Metropolis2 d’Arte qui lui a récemment consacré un élogieux reportage, ne faites pas comme nous : empruntez le bon escalier ! En effet, le bâtiment en compte deux, dans la même cage – au sens propre du terme –, l’un donnant aux étages de son agence, l’autre conduisant à son appartement. Nous débutons donc notre visite par un tour dans les bureaux, vastes et lumineux, largement ouverts sur l’extérieur, où s’activent vingt-cinq associés et collaborateurs. Quatre demi-niveaux y sont dévolus, deux autres à l’appartement : c’est la toute première réalisation de Dominique Coulon qui ne soit pas un édifice public, comme son Conservatoire de musique de Belfort ou sa salle de spectacle de Freyming-Merlebach fraîchement inaugurée.
Il s’agit d’un programme mixte (bureaux + logement) construit il y a un peu plus d’un an dans une dent creuse du quartier de la Krutenau (un ancien parking sauvage), une petite tour de 17 mètres, un édifice manifeste, concentré des préoccupations de Dominique Coulon vantant les mérites « d’une ville dense et durable, qui ne va pas s’étendre à l’infini ». Pas surprenant dès lors de retrouver, derrière une austère façade en bois brûlé, des pièces laissant s’exprimer pleinement le matériau phare de l’agence : le béton. On se perd facilement dans l’appartement de l’architecte, le découpage de l’espace résultant d’un alambiqué travail volumétrique. Nous nous sentons déphasés et un peu troublés par le vide : hormis quelques livres, dont l’obligatoire S, M, L, XL de Rem Koolhaas et Bruce Mau, très peu d’objets viennent perturber un lieu recelant de nombreuses trappes et autres cachettes, dissimulées derrières les panneaux de bois recouvrant les murs. Ceux-ci apportent de la chaleur à un intérieur immaculé, propice à la réflexion ou la contemplation de Notre-Dame, via une baie expressément ouverte à cet effet.
Photos de Sarah Dinckel pour Poly
13 rue de la Tour des Pêcheurs (Strasbourg) 1 Lire Poly n°138 ou sur www.poly.fr