2024, l’odyssée
Deux anciens de l’École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg viennent de créer les Éditions 2024, à Strasbourg. Entre bande dessinée et livre illustré, rencontre avec des audacieux.
Après avoir fourbi leurs armes dans la micro-édition avec le collectif Troglodyte[1. www.troglodyte.eu] en créant des fanzines aux doux noms de Cataplasme puis d’Écarquillettes lorsqu’ils étaient étudiants en Illustration aux Arts déco, Olivier Bron et Simon Liberman (respectivement diplômés en 2007 et 2009) lancent en 2010 leur propre maison d’édition. Baptisée 2024 parce qu’à raison de trois à quatre ouvrages par an – « de beaux livres fabriqués avec amour au prix de larmes et de sueur » – ils en auront publié 56 en 2024, « année d’autodestruction des éditions, de la Terre entière et du système de retraite par répartition », s’amusent-ils. Le ton est donné. Coincés et frileux de tous bords, passez votre chemin car ces deux compères et leurs amis, issus d’une génération talentueuse mais pas encore publiée, sont bien décidés à nous en mettre plein la vue. Leur premier volume, Les Derniers dinosaures, est sorti fin octobre : un pastiche de livre savant rayonnant de toute sa fougue sur le sérieux bien trop établi de notre époque. Didier de Calan a joué « avec cette source d’inspiration inépuisable pour notre imaginaire que sont les dinosaures » pour écrire cette histoire à tiroirs au troisième degré. Comme « tous les paléontologues qui sont des scientifiques racontant n’importe quoi sur des époques si lointaines », il a composé avec beaucoup de malice et d’humour des considérations sur la prétendue disparition des macrosauriens. Le tout est illustré par Donatien Mary, autre jeune loup passé par l’Ésad[2. www.esad-stg.org], qui n’a pas ménagé ses efforts en gravure sur bois pour réaliser les 64 pages de l’ouvrage. Conscients de la nécessité de proposer des objets-livres léchés et aboutis pour résister à l’inéluctable envahissement des nouvelles technologies[3. Le duo participe aussi au webzine Numo sur lequel des auteurs expérimentent de nouveaux moyens narratifs avec les outils numériques, la vidéo et l’animation www.numo.fr], Simon et Olivier ont soigné le tout en choisissant, de concert avec les auteurs, trois pantones (orange, noir et un bleu tirant sur le vert) et en étant « présents au maximum à toutes les étapes de l’impression ». Le prix reste raisonnable (24,50 € pour Les Derniers dinosaures) et, même s’ils passent par Le Comptoir des Indépendants pour la diffusion de leurs produits (en France, en Belgique et en Suisse, comme L’Association), la marge que le duo réalisera ne sera pas mirobolante. Pas de quoi perturber ces inconditionnels qui nous promettent déjà un Canne de fer et Lucifer d’au moins 200 pages signées Léon Maret (voir Poly n°136). Ce sera bien après la reconstitution de l’appartement du scientifique des Derniers dinosaures au festival d’Angoulême (27 au 30 janvier).
Les Derniers dinosaures de Donatien Mary & Didier de Calan
À paraître, à l’automne 2011, Jim Curious, le scaphandrier de Matthias Picard